
J’aimerais être complotiste.
J’aimerais que mon cerveau préfère un monde crédible et faux, à un monde véritable mais incertain.
J’aimerais trouver une réponse simple, globale et unique à la grande complexité des méfaits de ce monde.
J’aimerais conforter ce que je crois vrai, par les certitudes et le partage de mes croyances, à travers les réseaux sociaux.
J’aimerais faire partie de cette élite minoritaire, mais initiée qui, seule croit connaitre la raison du pourquoi.
J’aimerais être complotiste, car la croyance est plus forte que la raison, parce qu’elle n’a pas besoin de raison pour croire.
Malheureusement, je ne le suis pas, et cela m’oblige :
A l’effort soutenu de rechercher la vérité par l’argumentation pour chacun des problèmes qui m’entourent.
A l’obligation de combattre mes intuitions ou mon ressenti par la documentation ou l’expertise, afin de m’approcher au plus près de vérités vérifiées.
A souvent douter, remettre en question l’apparence, analyser et délibérer, en incluant la contradiction pour valider de mes idées.
A me trouver en difficulté par l’incertitude de la qualité du traitement des informations que je retiens, pour élaborer mon raisonnement.
Je n’ai donc pas le confort du croyant, qui n‘a nul besoin de savoir pour croire détenir la vérité, car il a la conviction des croisés, celles que les vérités scientifiques n’affectent pas.
Par contre, si j’étais complotiste
Je n’aurais pas l’humilité de pouvoir changer d’avis car il n’existe pas d’arguments opposables à ma croyance. Je pêcherais donc du défaut d’orgueil.
Je penserais faire partie d’une élite qui, sans modestie, détient la vérité. Je pêcherais donc du défaut de prétention.
J’aurais à supporter, sans restriction, les mêmes croyances que celles de mon groupe de pensées. Je souffrirais de perdre de ma liberté de penser.
Je devrais accepter l’anesthésie des performances d’amélioration de mon cerveau qui n’aurait plus besoin d’efforts puisque maintenant, je suis sûr de savoir. Je risquerais le défaut de bêtise.
Je serais obligé d’occulter l’évolution historique des progrès de l’humanité grâce à la science, alors même que j’en profite au quotidien. Je souffrirais donc du défaut d’incohérence.
Je serais démuni d’intention et de moyen à changer une situation qui ne me convient pas, tellement je crois le rapport de force disproportionné. Je souffrirais donc d’incapacité.
Je devrais accepter de faire partie, à la fois, d’une minorité qui sait et d’une majorité qui subit. Je souffrirais donc d’être malheureux.
Non vraiment : Orgueilleux, Prétentieux, Enchaîné, Bête, Incohérent, Incapable et Malheureux, s’en est trop pour moi. Je vais donc continuer à faire l’effort de chercher la lumière qui m’empêchera de passer le mur du côté sombre de l’obscurantisme.