Récit de Paul Moréna, citoyen français ordinaire
Je m’appelle Paul Moréna, j’ai 57 ans. Ma femme Lucie et moi gérions une petite boutique de vêtements, dans une rue commerçante de Bordeaux, depuis plus de 15 ans.
Jusqu’en 2018, notre affaire nous permettait de vivre correctement avec un revenu, pour nous deux, d’environ 3000 € net, pour travailler ensemble 50H par semaine et cela nous convenait bien, car nous aimons notre travail, à travers le plaisir des bons contacts quotidiens avec notre clientèle fidèle.
Nous pensions que, dans une dizaine d’années, nous pourrions nous reposer, grâce à la revente de notre petit fonds de commerce, qui se valorisait au fil du temps et qui aurait un peu agrémenté notre petite retraite de commerçant.
Avec ce revenu de 3000 € pour nous deux, correspondant à celui d’un petit cadre de l’administration, travaillant 35H par semaine, il nous était difficile de faire des économies, mais comme nous sommes propriétaire de notre appartement, fruit d’un héritage familial, nous avions accumulé, au fil du temps, un petit matelas financier de sécurité d’environ 30.000 €, la poire pour la soif, comme on dit.
Aujourd’hui, nous sommes dans la déchéance financière. Nous ne sommes plus propriétaire, car notre appartement est hypothéqué, nous n’avons plus de revenus pour ne plus pouvoir nous régler nos salaires depuis 16 mois, nous engendrons une dette mensuelle de plus de 3000 €, qui s’accumule désespérément, et c’est l’aide familiale qui assure nos besoins alimentaires quotidiens.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
En 2018, les conséquences des manifestations « Gilets Jaunes » nous ont privé de la recette du Samedi, soit 30% de notre chiffre de vente. Le dernier samedi de novembre 2018, lors d’une journée de manifestation gilets jaunes, notre boutique a été saccagée. Vitrine explosée, agencements défoncés, et produits volés, avec un début d’incendie pour ne rien arranger. 60.000 € de travaux indemnisés par notre assurance, en nous laissant à charge la franchise prévue dans le contrat pour 8000 €.
Une fois les déclarations faites, et l’accord de remboursement obtenu, nous étions pressés de faire réparer pour réouvrir au plus tôt. Les travaux, commencés en février 2019, ont été interrompu par le premier confinement du Coronavirus et n’ont repris qu’en juin, nous privant ainsi de toute recette sur les bons mois de juillet et d’août.
Enfin, en octobre nous pouvions redémarrer, sauf que le confinement nous l’interdisait. C’est donc, à notre plus grand malheur, que nous fêtions notre réouverture, le samedi 28 novembre, puisqu’une nouvelle manifestation pour « les libertés » à définitivement scellé notre sort. Notre magasin à, de nouveau été saccagé, remettant ainsi les compteurs à zéro.
Plus aucun salaire depuis presque 2 ans, des charges fixes incompressibles, plus de 10.000 € de frais lors de la première casse ont eu raison de nos petites économies ainsi que du prêt de 60.000 €, avec hypothèque de notre appartement.
Aujourd’hui endettés à hauteur de plus de 100.000 €, sans aucun revenu possible, avec un fonds de commerce n’ayant plus aucune valeur, nous sommes ruinés.
Mon épouse, à très mal vécue cette cascade de mauvais sorts, au point, d’être aujourd’hui internée en psychiatrie. Je ne peux plus me rendre à ma boutique pour ne pas avoir à supporter les « doigts d’honneur » de quelques gilets jaunes du coin, que je reconnais bien comme des casseurs de ma boutique, filmés par les forces de l’ordre, mais toujours en liberté. Ils traînent dans le secteur, en m’insultant ou en me menaçant, à chaque occasion, pour je ne sais quelles raisons.
Quand je ne suis pas au chevet de ma femme, je reste prostré sur mon canapé et seule la télévision me donne quelques répits face à mes pensées suicidaires quotidiennes. Nous sommes rayés de la carte des citoyens ordinaires, chargés d’un sentiment d’injustice insupportable, sans aucun avenir dans un pays qui n’a pas su nous protéger. Même notre révolte initiale s’est mutée en prostration quotidienne. Notre vie a perdu tout son sens.
Monsieur Moréna, un peu d’empathie, quand même
Je ne me présenterai pas car je préfère garder l’anonymat, mais sachez, Monsieur Moréna, que je suis un de ceux, qui ayant participé, par deux fois, à la destruction de votre boutique, vous invective, un doigt levé, quand vous avez le culot de passer devant ce qu’était votre magasin de prolo.
Attention, je ne suis pas un de ces blackblocs, assoiffé de violences, mais un simple manifestant en guerre contre Macron et son état policier, massacreurs de libertés individuelles. D’où ma colère, en ces samedis de manifestation pour la liberté, comme je l’étais pour les manifestations aux moments forts des Gilets Jaunes.
Certes, j’ai cassé votre boutique, mais seulement dans le mouvement de l’action et peut-être aussi un peu pour y voler quelques vêtements, que mon seul RSA à 500 balles, ne me permet pas de m’offrir. Je n’en ai pas honte, la preuve, je ne suis pas cagoulé et si cela était aussi répréhensible que vous le dites, je suppose que la justice m’aurait déjà rattrapé.
Alors, excusez-moi, mais entre vos assurances de capitalistes qui vous payent les dégâts, et ma sainte colère légitime, il n’y a pas photo. Et ce n’est pas quelques tabassages de policiers qui nous provoquent et nous agressent systématiquement ou votre petite boutique saccagée qui font la différence.
Saccager votre boutique de nantis ne fait que rééquilibrer les choses, les quelques tabassages des policiers sont des tabassages normaux parce qu’ils font réponse à nos propres agressions. Cela n’est quand même pas comparable, aux tabassages scandaleux, comme celui de Zecler, par des policiers haineux et racistes.
Alors, Monsieur Moréna, sortez un peu de votre petit égoïsme de capitaliste déchu, en faisant preuve d’un peu d’empathie quand même !
Et le brigadier Truffand, dans tout ça ?
Michel, Michel Truffand, brigadier de la 2ème compagnie SPI (Section de Protection et d’Intervention) de la direction régionale de Bordeaux, sous les ordres du Commandant Bertin au briefing dans cinq minutes, salle de réunion, SVP.
En ce vendredi après-midi, notre commandant nous informe que demain samedi, notre compagnie sera affectée, à l’encadrement et au maintien de l’ordre de la manifestation. En particulier, il nous rappelle les conditions d’environnement psychologique très délicates qui nous interdit une quelconque action qui pourrait être appréciée comme une réponse inappropriée. A savoir, d’une manière générale, tout geste de défense en réponse directe à une agression d’un manifestant hostile. « Que des véhicules soient incendiés, que des vitrines soient explosées, des protections ou du mobilier urbain arrachés, ne constituent pas un problème en soit » nous affirme-t-il.
« Par contre, soyez en sûr, le moindre coup de poing, coup de coude ou coup de pied à l’encontre d’un manifestant, sera automatiquement filmé et diffusé sur un journal télé du soir, vous assurant la haine du public. »
« Votre mission est simple ; Il suffit de faire régner l’ordre en ne menant que des actions défensives, sans aucun débordement, même pas verbal. Soyez muet et servez-vous de vos boucliers, considérez le reste de votre équipement comme accessoire. »
« Allez les garçons, rendez-vous à 7 heures avec discipline, fermeté, détermination et courage ! »
Samedi 10 heures 15, « Compagnie avancez bouclier en avant, Compagnie poussez, compagnie reculez, repos »
10H50 : « Compagnie 3 lacrymos pour dispersion, puis Compagnie avancez bouclier en avant, Compagnie poussez, compagnie reculez, repos »
11H10 : « Compagnie attention, trois caméras sur votre flanc gauche, compagnie reculez, position défense collective en cercle groupé, ramassez les blessés, Compagnie repli en zone de récupération »
21H : Débriefing au quartier général. 4 blessés à l’hôpital hors de danger, 3 en soins légers à l’infirmerie. Premier visionnage des images de nos caméras pour vérifier les gestes de défense répréhensibles : Juste un coup de tête intempestif du brigadier François, quand on lui arrache son casque à visière en lui assénant un coup au visage avec un objet contendant, rien de trop méchant.
Un autre pour visionner et faire les clichés de personnages en action violentes ou de destruction caractérisées. Onze visages imprimés qui seront envoyés au Procureur pour classement sans suite.
22H : Je rentre à la maison, mon voisin me salue d’un geste, son fils me traite d’enculé. Je suis fourbu mais heureux de la maitrise dont nous avons, mes camarades et moi, fait preuve, avec un petit sentiment diffus de n’avoir servi à rien.
Hôtel de Beauvau – 8ème arrondissement – Paris
Jeudi 4 décembre, 10h00, salle de réunion n° 7 : Réunion préparatoire du Conseil des Ministre du 5 décembre.
Compte rendu de séance :
Sont présents :
– Monsieur le Secrétaire Général du Ministère de l’Intérieur,
– Madame la Secrétaire Générale du Ministère de la Justice,
– Messieurs les conseillers auprès de Monsieur le Secrétaire Général du Ministère de l’Intérieur,
– Messieurs les conseillers auprès de Madame La Secrétaire Générale du Ministère de la Justice,
– Messieurs les délégués à l’information et la communication du Ministère de l’Intérieur,
– Messieurs les délégués auprès de la Présidence,
– Messieurs les conseillers techniques délégués aux affaire territoriales,
– Messieurs les représentants des délégation régionales du Ministère de l’Intérieur,
La réunion débute à 10h15 par un exposé de la situation générale, après la manifestation nationale du samedi 30 novembre dernier, telle que rapportée par la Préfecture Générale, suite aux rapports de Messieurs les Préfets de Régions. Monsieur le Secrétaire Général du Ministère de l’Intérieur conclu que la situation générale est certes mauvaise mais pourrait être pire, particulièrement si elle s’aggravait, dans les semaines qui viennent. Il propose que cette aggravation de la situation, dans un environnement pandémique particulièrement difficile, soit considérée comme une amélioration, d’une situation pire dans l’avenir. Enfin, il affirme sa volonté de mobilisation des forces vives de la nation, en vue de poursuivre les efforts qui s’imposent.
Madame la Secrétaire Générale du Ministère de la Justice précise, concernant les troubles à l’ordre public, provoqués par les manifestations précitées, que, ce n’est pas parce que les articles L211-1 à L211-4, du Code de la Sécurité Intérieure, ne sont jamais appliqués, qu’il ne convient pas, pour autant, de ne pas proposer de légiférer plus amplement, dans la recherche d’une amélioration des procédures non appliquées.
Messieurs les Conseillers auprès de Monsieur le Secrétaire Général du Ministère de l’Intérieur, abondent en ce sens.
Messieurs les délégués à l’information et la communication du Ministère de l’Intérieur, conviennent que cette fructueuse réunion leurs permettra, sans aucun doute, de rapporter l’état exact de la situation, à Monsieur Le Ministre de l’Intérieur.
Le rapport est scellé par l’huissier de service qui informe l’Assemblée que, par dérogation ministérielle aux conditions de confinement, une salle, en sous-sol du restaurant gastronomique « Chez Edouard » est à leur disposition pour se substanter, en sachant que les difficultés d’approvisionnement ne permettent de commander que du Bourgogne rouge millésimé. … l’assemblée se disperse.