Episode 8 : La Saga « Vendre des parapluies dans le désert »

On m’a souvent, crédité ou affligé, selon le cas, d’une forte capacité à convaincre, dans des circonstances de transactions commerciales professionnelles ou d’adhésion de participants, à des projets de nature économique.

Ceux qui me créditent, ne retiennent que le résultat obtenu, en observant que j’aurais souvent réussit des « paris » qui semblaient, a priori, difficile à gagner.

Ceux qui m’affligent retiennent la manière qui me permet d’obtenir l’adhésion, et qui leur paraît critiquable.

Mais ces deux jugements sont empreints de partialité, suivant les circonstances. En fait, ceux qui valorisent mes résultats sont soit, ceux qui ne sont pas impliqués dans le résultat, soit ceux qui en tirent bénéfice. Ceux qui m’affligent sont souvent ceux qui estiment y avoir perdu, dans la transaction ou l’association concernée.

Je vais donc essayer, ci-après, de décrire, le plus objectivement possible, les rouages mis en œuvre, permettant une appréciation morale de la méthode.

Je ne suis pas un bon commerçant car je ne suis ni motivé, ni compétent, pour « placer » un produit dans le cadre d’une tentative de vente ponctuelle et standard. En effet, les rouages mis en œuvre dans ma « méthode » sont parfaitement inapplicables, dans ce type de vente. J‘ai constaté cela en observant la manière, dont les nombreux commerciaux que j’ai embauchés, réalisaient des ventes sur le terrain. Je les admire d’ailleurs pour leur savoir-faire naturel et instinctif.

Les principaux rouages que je mets en œuvre nécessitent une préparation, incompatible avec l’obtention d’un résultat ponctuel, objet d’une vente en quelques minutes et, de toute façon, le faible chiffre d’affaires obtenu, par ces ventes ponctuelles, ne justifierait pas l’investissement temps que j’y consacrerais.

Ma façon est donc seulement adaptée à l’adhésion ou à la vente d’une valeur significative, qui justifie l’investissement de temps et d’attention.

La description des étapes préalables au résultat m’impose un effort de réflexion car, en fait, quand je pratique cette méthode, c’est de manière instinctive, sans sommaire préalable. Mais l’observation à postériori permet cependant de définir les étapes et leurs objectifs.
Cependant attention : La présente notice précise bien que la méthode présentée n’est valable qu’en « usage professionnel et qu’elle est contre indiquée, dans le cadre de relations privées ».

Savoir ce que l’on vend.

Si on ne sait pas ce que l’on vend, il sera difficile d’y parvenir. Pour cela il faut dépasser les apparences. Dans le cadre, par exemple, de la cession d’une entreprise, on peut se laisser aller à la facilité de réponse évidente : Je vends une entreprise, donc je vends un chiffre d’affaires, un bénéfice. Mais peut-être que mon prospect achète une notoriété, ou bien il s’offre un rêve, une reconnaissance ou une fonction de dirigeant. Pour savoir ce que l’on doit vendre, il faut se poser la question de ce que l’on vous achète.

Trouver des prospects.

Une fois déterminé ce que l’on vend, faut-il choisir une ou des méthodes de communication, apte à trouver des prospects adaptés. Il convient alors d’imaginer « A qui vendre ? »

Un travail de profilage.

Il permet de déterminer les principales caractéristiques, de la « cible ». Je recherche quelles seraient les principales faiblesses de caractère sur lesquelles je pourrais m’appuyer, mais aussi les qualités les plus évidentes, pour éviter d’avoir à m’y frotter. Pour valider cette première analyse, essentiellement perceptive, donc fragile par nature, je teste préalablement, par des petites tentatives apparemment anodines, utiles à certifier ma perception.

Comprendre les motivations.

Il convient ensuite de rapprocher le niveau de motivation de mon candidat à l’achat, à la même hauteur que ma motivation à lui vendre ou le convaincre. Pour cela, je sélectionne ce qui m’apparaît être, sa principale motivation pour réaliser cette opération. Est-ce l’appat du gain ? La recherche d’une notoriété ou d’une reconnaissance ? La recherche d’une assurance pour sa pérennité ou son développement ?

La situation.

Les éléments d’appréciation de la situation du candidat déterminent ses dispositions principales face au projet.  Se voit-il riche pour satisfaire à cet investissement ? Est-ce qu’il pense se mettre en danger ? Est-ce pour lui, une décision majeure ou secondaire ?

Préparer le terrain.

Déterminer le terrain est une nécessité préalable à l’action. Faut-il que j’aille vers mon prospect ? Ou faut-il qu’il vienne à moi ? Quel est le meilleur environnement pour faire passer les messages : Chez moi ? Chez lui ? En terrain neutre ? Est-il opportun de conduire des opérations de préparation : A savoir, utiliser les services pontuels d’un intermédiaire influent, par exemple, ou réaliser une opération de communication, comme une action publicitaire ciblant la préparation du prospect ?

Les obstacles.

Les traits de caractère de mon prospect, sa motivation principale et sa situation personnelle, permettent de déterminer quels seront les principaux obstacles à surmonter. L’inquiétude pour un peureux ? La fierté pour un orgueilleux ? La domination pour un dominant ?

Le scénario.

Tenant compte de ces précédents éléments je peux imaginer un scénario de déroulement de l’opération, avec pour chaque étape et suivant le résultat obtenu, les options d’évolution qui seraient possibles de mettre en œuvre. Cela permet également d’imaginer un timing du déroulement, étape par étape.

La conduite.

Le scénario est établi. Faut-il le réaliser correctement. C’est au metteur en scène de s’y préparer. Le préalable consiste à intégrer le principe que son interlocuteur est de grande qualité et qu’il convient surtout de ne pas le sous-estimé. D’abord, si cela était le cas, l’interlocuteur pourrait facilement pressentir qu’il n’est pas considéré, ce qui pourrait le braquer. De plus, dans l’action, les effort entrepris seront d’autant mieux acceptés qu’ils ont été imaginés. Ils apparaîtront alors comme naturellement consentis. Il faut également déterminer le rythme car certains aiment courir, d’autre marcher et même parfois, traîner.

Choisir l’ambiance. 

Il y a ceux qui se complaisent dans une situation conflictuelle, d’autres qui s’y résignent et enfin ceux qui ne peuvent pas la supporter. Il faut donc adapter son comportement général en tenant compte de ces caractéristiques.

Les influents.

Qui peut m’aider ? Sa femme, sa famille, son ami, sa maîtresse, ou bien son chien qu’il adore ? Car notre seule qualité n’y suffira peut-être pas.

L’attitude.

Bien conduire son action est primordial car si l’acteur principal est mauvais, le film sera raté. La première règle est de ne pas se laisser aller à exprimer ses sentiments personnels, mais se caller à l’obsession de l’objectif, en faisant un « reset » de ses seules perceptions. Notre principal ennemi est souvent nous-même. La deuxième est de prévoir d’utiliser les bons outils au bon moment. L’humour pour décontracter une situation tendue ou évincer une question difficile, l’apparente agressivité ponctuelle capable de recadrer son interlocuteur, ou encore l’absence opportune pour réveiller l’attente.

Voilà, le décor est installé, les personnages choisis, le script élaboré : il ne reste plus qu’à tourner. Malgré ces quelques précautions d’usage, on ne saura cependant si la fin est bonne, qu’après l’encaissement du chèque à la banque.

Le principal avantage de cette préparation est de bien souvent atteindre son objectif. Le principal inconvénient est que, avec un peu de recul, votre interlocuteur pourrait avoir le sentiment de « s’être fait un peu promener ». C’est pour cela qu’à titre préventif il est bon d’inclure, dans le débat, certaines restrictions négatives, au choix positif de votre prospect. Elles paraîtront anodines dans le débat, mais très utiles, plus tard, car vous pourrez dire « Je vous avais bien avertit que ce ne serait pas facile »

C’est du vécu, mais je n’ai pas pu parfois éviter la réflexion, dont je ne peux dire si elle est positive ou négative, mais peut-être bien les deux ?

Celui-là, il vendrait des parapluies dans le désert !

Du vécu :

Voici, comme exemple, l’application de cette méthode à la cession concrète d’une entreprise. A l’étranger, en 2007, nous possédions 5 petites entreprises. Ces cinq unités, ont été vendues en six mois ;

Voici l’exemple de la vente d’un Centre de vacances loisir en bord de mer.

Savoir ce que l’on vend :  Ce Centre de vacances loisirs implanté en bordure de mer. Une douzaine de bungalows indépendants, un restaurant et ses cuisines, un centre nautique de loisirs, du matériel nautique, un ponton terrasse et un bâtiment technique et de stockage, composent l’aspect physique et matériel. Cet hôtel, classé dans la catégorie « charme » reçoit une clientèle essentiellement française pour des séjours d’une semaine en moyenne. Son fonctionnement est assuré par une équipe de 30 employés et une directrice générale. Le séjour moyen des clients est de 7 jours. Le ticket moyen journalier par client est de 100 €, toute dépenses confondues (hébergement, restauration, bar et loisirs). Le taux de remplissage moyen, à l’époque de la vente était de l’ordre de 60 %, ce qui permettait de recevoir 750 clients par an sur 32 semaines produisant un chiffre d’affaires annuel de 500.000 €, dégageant un bénéfice net de charges et d’impôts de 12 %, soit 60.000 €/an. La commercialisation des séjours est réalisée à hauteur de 60 % par les catalogues de Tours Opérateurs, à hauteur de 20 % par les Agences de Voyages en direct, et 20 % par réservations directes (Site Internet, Bouche à oreille…). Cette description permet de dégager objectivement les points forts ou les particularités suivantes :

  • Très bon rendement compte tenu de la taille et en comparaison aux hôtels similaires concurrents,
  • Bone représentation commerciale chez des gros Tours Opérateurs,
  • Implantation sur un site d’exception en bord de mer,
  • Clientèle essentiellement française,
  • Taille raisonnable égard aux difficultés d’intendance liées au lieu d’implantation,
  • Niveau de qualité et de prix adapté à la typologie des voyageurs.

Mais aussi, les faiblesses récurrentes suivantes :

  • Installé en zone isolée, er climatiquement instable,
  • Relative fragilité politique du pays d’accueil,
  • Obligation de formation interne du personnel, due à l’absence de compétences existantes sur place,
  • Infrastructures faibles exigeant une forte autonomie d’action, et une organisation exigeante.

Ce descriptif sommaire permet d’imaginer ce que l’on peut, essentiellement vendre :

  • Le rêve d’une nouvelle vie exotique,
  • L’assurance d’un revenu significatif.

Trouver des prospects :  Il est trop ambitieux de définir un profil d’acquéreur standard, car cela peut être à peu près n’importe qui. Mais il existe en France et en Europe un vivier abondant de personnes, qui rêvent de changer de vie, pour s’orienter vers une expatriation sociale et climatique. Visons cette manne à travers une communication à large couverture, comme Internet. Mais attention, car le futur prospect sera avant tout un simple curieux, rêvant à la lecture d’un reportage attractif. Afin de ne pas être noyé par les trop nombreuses sollicitations des curieux, il convient d’y apposer un filtre, sous forme d’entonnoir, de nature à trier ce potentiel.

Je vais donc créer deux communications Internet distinctes. La première dénommée « Vivre Ailleurs » a pour but de « ratisser large », puis elle renvoie le curieux au site de vente « Offrez-vous un rêve exotique » qui constitue l’entonnoir sélectif décourageant le simple curieux pour ne sélectionner que le vrai prospect. Pour « Vivre Ailleurs » une belle photo aérienne du site agrémentées d’une description romantique d’une vie exotique suffiront largement. Pour « Offrez-vous un rêve exotique » deux missions lui sont assignées. Trier, par élimination du seul curieux (Exemple : « Si vous ne disposez pas du capital nécessaire à cet achat, renoncez à nous contacter, cela nous ferait tous perdre du temps ») et ensuite « ferrer » en éliminant le principal écueil qui est la crainte du prospect à vivre un changement aussi radical. Pour ce faire, l’introduction du site, devra simplifier et rassurer en décrivant le vécu. (Exemple : « Laissez-moi vous parler de ce que nous vivons »). Inutile d ’anticiper la question « Mais pourquoi vendez-vous ? » Autant laisser au prospect « l’intelligence » de ce questionnement évident car cela permet l’ouverture du débat dans de bonnes conditions, si l’on dispose de la réponse appropriée. J’y répondrais : « C’est simplement que notre âge avancé justifie une retraite près de notre famille, ce type d’affaire est mieux adaptée à des candidats plus jeunes » On en fait alors un argument positif car il est peu probable que notre cible soit une personne âgée. Cette affaire est pour lui : la quarantaine bien sonnée.

Un travail de profilage : « Vivre ailleurs » a déclenché, en quelques jours, plus de 200 contacts. Le renvoi au site « Offrez-vous un rêve exotique » a sélectionné une cinquantaine de contacts téléphoniques que mes questionnements inquisiteurs ont réduit à une poignée de cinq prospects potentiels que je devrais conduire simultanément. Le fait de les mettre dans l’obligation de se déplacer en me rendant visite en France a sélectionné 3 candidats suffisamment motivés. L’objectif de ce premier contact était donc d’en tirer leur profil. Je décris ci-après le profil du candidat qui sera mon futur acheteur.

  • Un couple, 45 ans, deux enfants de 8 et 12 ans, résidants à Lille,
  • Tous deux salariés, lui responsable d’une société informatique, elle commerciale en cosmétiques.
  • Les deux sont issus de bonnes familles aisées, ont bénéficié d’études supérieures,
  • Leur vie matérielle a toujours été facile, sans écueil particulier, sans expérience de nature à faire violence : Ils sont passés d’une bonne protection familiale et d’études dans le confort, à une situation de cadres protégés.
  • L’absence d’expérience à gérer des circonstances difficiles et l’assurance d’un soutien familial, leurs confèrent une assurance sur leur capacité à bien négocier, sans aucun doute pour eux, ce type de transaction. Ils sont sereins.

Comprendre les motivations : Ils sont animés par deux motivations évidentes : L’aventure exotique et l’aventure entrepreneuriale. Cela tombe bien, cette implantation répond à ces deux critères.

La situation :

  • Ils sont sûrs de leurs qualités et de leurs capacités en général confortées par l’absence d’échec et la reconnaissance de leur réussite familiale et professionnelle. 
  • Ils se sentent confortés par leur entourage familial.
  • Ils disposent de la possibilité de financement. Ils se sentent aisés, sans être riches. 
  • Cette éventuelle opération leur apparaît importante, en ce qu’elle engage un nouveau mode de vie.

Préparer le terrain : Je sélectionne deux terrains d’action pour deux actions différentes. La première en les invitant, à un séjour sur place, dont le but est d’ancrer définitivement l’envie par la séduction. Ce séjour n’est pas technique et ils pourront gérer leur temps, au gré de leurs envies.

Le second en France, organisé en réunion avec leurs conseils aura pour but d’éliminer les écueils techniques et financiers d’un côté, et de l’autre, se trouver confortés par l’approbation de leurs conseils.

A l’évidence, les deux conseils sélectionnés sont des professionnels compétents.

Je demande donc l’autorisation de prendre un contact téléphonique préalable afin de conforter et de valoriser ce choix, tout en leur donnant le sentiment de l’avantage, de ne m’avoir que seul en face.

Les obstacles : Les conditions techniques devront être satisfaites pour la rencontre avec les deux conseillers : A moi de m’y préparer. Par exemple : Comment démontrer la vérité du chiffre d’affaires réalisés alors que les déclarations fiscales locales en masquent 80 % ? Pour cela, j’apporte un classeur, préparé de longue date, comportant une fiche par client, avec les coordonnées téléphoniques et la facture de fin de séjour. Je propose alors à mes futurs acheteurs de contacter, au hasard, tel ou tel client, qui pourra donc lui confirmer l’information chiffrée, tout en les assurant du bonheur de leur séjour. C’est simple et imparable, le doute s’est transformé en certitude, on y reviendra plus. Le principal obstacle devrait être d’ordre psychologique. Il faut leur laisser le sentiment de force supérieure dans le débat afin d’entrer dans le moule de leurs certitudes, en se trouvant dans l’impossibilité de répondre à des questions mineures, ce qui consolidera mes réponses précises et convaincantes sur les sujets majeurs.

Le scénario : Le premier plan, je l’ai dit, détente, découverte sur site, comme des vacances en famille, sans contraintes.

Le plan suivant, retour en France en contact avec les réalités pratiques et économiques, dans le cadre d’une réunion de travail, dont je leur laisse l’initiative de la conduite. Compte tenu du professionnalisme de ses conseils, cela peut être « hard », mais à ma portée avec une bonne préparation.

En introduction de cette réunion, j’apporterai un sublime reportage photos grands formats du site afin d’un côté de maintenir l’envie aux acheteurs et aussi un peu de rêve à destination des conseillers, qui n’ont pas subi le charme du site.

La troisième étape, si tout se passe bien, devrait permettre d’établir le cadre juridique et financier, pour lequel je serai obligé de laisser l’initiative et la rédaction à leurs conseillers en me contentant d’y faire apporter les modifications absolument nécessaires à mon acceptation.

Enfin, la formalité de signature, en toute décontraction, chacun étant persuadé de faire la meilleure affaire possible autour du verre de champagne qui va avec.

La conduite : Vélocité sans précipitation. J’ai des interlocuteurs professionnels, je leur laisse la main, avec humilité et en toute reconnaissance de leur qualité. Je décontracte parfois l’ambiance lorsqu’elle m’apparaît trop tendu en testant leur capacité à l’humour, par la préparation de quelques messages, par exemple « Tout ça pour se pommer dans un trou ! » ou bien « Sauf, si entre-temps une tempête n’a pas tout détruit ! ». Bizarre, mais cela permet d’évoquer justement les parades prévues à une question, qu’ils ne manqueront pas de poser, de toute façon.

Choisir l’ambiance : Sur site, le lieu et les loisirs déterminent naturellement l’ambiance il suffira de compléter par une attention particulière au confort des deux enfants. De retour, sérieux et détermination, dans le calme.

Les influents : Les deux conseillers sont mes pires ennemis et mes meilleurs alliés. Les deux enfants, les pieds dans l’eau, seront des alliés de choix. Il n’est pas dommage, qu’ils n’aient pas de chien, qui serait mal traités par les locaux.

L‘attitude : Déjà en partie évoquée dans les obstacles, il convient de leur laisser l’initiative de la conduite pour laquelle ils se sentent particulièrement bien armés et qu’ils n’abandonneront pas. Il est favorable qu’ils puissent penser conserver l’avantage de la suprématie technique, ce qui valide leur rôle et conforte leur opinion, charge à moi de gommer cet éventuel inconvénient, par une analyse technique sérieuse et documentée.

En conclusion :

C’est donc ainsi que nous avons vendus nos cinq affaires étrangères, cela à sensiblement créditer notre compte en banque.

En effet, mes acheteurs exigeaient évidement une cession sous législation française, donc payée en France. Cela me convenait parfaitement car cela m’évitait la difficulté de convertir une « monnaie de singe », très volatile, et de transférer des sommes conséquentes, avec les conséquences et les justifications fiscales que cela exigeait.

Nous avons donc signé un protocole de vente français qui ne nécessitait, en France, que la preuve de la saine provenance du virement bancaire (loi sur le blanchiment) auprès de notre banquier qui fut rassuré, sur la provenance des fonds, lui évitant une déclaration « Tracfin », par une simple copie de l’acte. Point de taxation en France.

La méthode de préparation à cette vente, peut paraître fastidieuse, mais en fait, comme elle est pratiquée de manière essentiellement instinctive, elle ne consomme qu’un peu de temps de cerveau, sans investissement coûteux.

Les acheteurs ont assez rapidement, regrettés leur acquisition en constatant leur difficulté d’adaptation, dans une aventure exotique, nécessitant quelques facultés de « baroudeurs », dont ils étaient loin d’être pourvus.

Ils n’ont pas non plus compris, qu’à l’étranger, « on a tort d’avoir trop raison », surtout face aux petites autorités locales, mais aussi face à son personnel, ou sa prérogative de patron, n’autorise pas à en oublier la gestion humaine sur laquelle il convient d’apporter une attention particulière adaptée au contexte.

En fait ils ont péché par orgueil et par manque d’expérience, ce qui m’était parfaitement prévisible. Ils se sont donc convaincus de revendre leur affaire, non sans avoir tenté au préalable de récupérer le prix payé. Confortés par la certitude, ils ont donc tenté une opération juridique d’annulation de la vente sur des prétextes de détails.

Mes recommandations préventives, qui consistaient à leur expliquer, que s’ils maîtrisaient bien le droit français, ils risquaient de ne pas imaginer, les applications locales., plus aléatoires.

Mais l’orgueil rend aveugle, et le petit français baroudeur que j’étais à leurs yeux, est soudainement apparu comme un modèle d’efficacité. Ils ont donc soldé sans délais, et à grand frais, leur compte avec moi.

Grâce à moi, ils ont appris une leçon essentielle, que leur parcours d’enfants protégés ne leur a pas offert. Celle de ne jamais sous-estimer son adversaire, même lorsqu’on a de bons conseillers. Mon seul regret est de ne pas avoir su leur facturer cette prestation d’éducation, au juste prix.

Enfin, par cette approche, a priori contraignante, j’ai eu beaucoup de plaisir à conduire cette transaction que j’ai vécu ludiquement en respectant ainsi mon principe de m’amuser beaucoup, à faire sérieusement des affaires, pas spécialement sérieuses.

Ces ventes, m’ont forgé la réputation d’une capacité à réaliser des opérations considérées comme particulièrement difficiles, mais, en fait cela n’est lié qu’à la difficulté des nombreux propriétaires qui, lassés des vicissitudes de leur vie à l’étranger, ou bien quasiment en faillite, ne rêvent que de vendre pour une retraite française. Ils n’y parviennent que rarement et c’est cette seule rareté qui leur laisse penser ma qualité.

En réalité, ils se dispersent souvent, car ils sont troublés par leurs propres clients, qui en séjour dans leur établissement, les pieds dans l’eau transparente, ne manque pas de leur dire, comme cela m’est arrivé des centaines de fois : « Vous vivez donc dans cet endroit magique, comme je vous envie, c’est exactement ce qu’il me faudrait ». Il n’y voit qu’un acheteur potentiel, alors que cette évocation de circonstance, n’envisage en rien réellement cette possibilité, qui perdra tout son sens, à l’atterrissage à Roissy, le charme exotique abandonné et la réalité quotidienne retrouvée. Ils ont cependant conservé le numéro d’appel de ce « leurre d’espoir », qui ne leur donnera plus signe de vie, à leur grande déception.

De fait, la vente d’une affaire l’étranger est assez délicate, car elle additionne les mêmes difficultés qu’en France, à la nécessité d’un changement de vie radical, pour l’acheteur, sur un terrain quelque peu « mouvant » en terre inconnue.

Je n’ai jamais souscrit aux nombreuses sollicitations de mes compatriotes expatriés, pour conduire pour leur compte une transaction, car ma « méthode » trop particulière n’est pas compatible avec la gêne d’un propriétaire vendeur qui, à coup de détails, en violera la précision.

Je ne peux vous quitter sans évoquer ce qui nous reste, de plus important, à mon épouse et à moi, de ce petit périple aventureux.

Certainement, comme pour l’armée, nous avons tendance à oublier le Sergent en chef insupportable, qui vous agresse dès le réveil par des ordres ridicules, pour ne conserver que les aspects positifs. Mais quand même, ce projet partagé, qui nous était commun, a pour premier mérite d’avoir consolidé notre amour. Nous sommes nombreux à être arrivés ensemble, mais peu à être repartis à deux. On dit aussi, qu’il est facile de devenir millionnaire à l’étranger, et qu’il suffit d’y arriver milliardaire. Nous y avons créé quelques modestes affaires, nous les avons fait fructifier, nous les avons vendues et nous sommes rentrés, par vol normal et non pas en rapatriement sanitaire.

Enfin, je veux évoquer les quelques amis que nous y avons laissés, notre cher et remarquable associé dans une de nos affaires et ma directrice préférée. Pour ceux-là, que la distance nous empêche de côtoyer, notre cœur saigne à chacune de leurs souffrances et s’emballe à chacune de leurs joies. Pour d’autre restés sur place, quel bonheur de pouvoir (hors Covid) les serrer dans nos bras, lors de leurs passages en Europe. 

De retour en France, nous avons donc perdu un peu d’adrénaline, mais nous avons gagné en sérénité et tranquillité.

2 commentaires sur « Episode 8 : La Saga « Vendre des parapluies dans le désert » »

  1. Je me suis permis d’envoyer ton texte à un ami. Je me demande quel est le grain de sable en toi qui ne t’as pas permis d’être une grande fortune? Patrice.

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  2. Les affaires que tu vends ne sont pas à la portée de tous, seul des personnes exceptionnelles sont capables de reprendre le flambeau. Ce que les gens ne comprennent pas c’est que lorsqu’ils t’achètent une affaire, ton énergie et celle de Linda ne sont pas incluses dans la vente …

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