
Il en est en matière de raisonnement, comme en jardinage.
La qualité de notre vie pratique dépend de nos décisions et de la qualité de notre raisonnement comme la qualité de la plante dépend de la qualité de la terre qui la nourrit. La qualité du fruit dépend de la qualité de la plante et de sa solidité, comme de nos bonnes décisions, dépende la qualité de notre raisonnement qui produira le bon résultat, obtenu par la bonne décision.
Tout jardinier qui se respecte connaît l’importance de la qualité du terreau, pour le succès de ses plantations. Il sait aussi, qu’il n’y suffit pas et qu’il faudra bien désherber pour profiter des bonnes graines, en détruisant toutes les mauvaises, qui chercheront à polluer ses plantations.
En matière de jardinage, ce phénomène naturel et visible nous apparaît comme une évidence.
Et bien que notre cerveau fonctionne sous le même principe, nous sommes souvent très inattentifs à son entretien.
La qualité de notre terreau cervical nous est imposée par l’héritage génétique d’une part, et l’éducation de l’autre : Il constitue la base sur laquelle nos expériences et notre attention vont semer les bonnes idées.
Mais, nous ne portons souvent que peu d’attention, à l’arrachage des mauvaises herbes, qui poussent inévitablement et asphyxient notre raisonnement, car, contrairement au jardinage elles ne nous sautent pas aux yeux.
C’est ainsi que nombre de nos travers ponctuels ou récurrents étouffent nos pensées et nous conduisent à des raisonnements erronés, qui annihilent nos meilleures idées.
On y rencontre nos travers du moment tels que la colère, la peur, l’envie, la précipitation ou l’intuition. On y trouve aussi l’expression de nos principaux défauts comme l’orgueil, la suffisance, la vanité et bien d’autres.
Et comme en culture, sans méfiance et dans l’inattention, nous sacrifions nos bonnes décisions à l’aléa par la pollution de nos travers. L’échec nous laisse alors penser naturellement que l’idée était mauvaise, comme une graine de mauvaise qualité, alors qu’en réalité, c’est bien notre méthode de culture qui est à remettre en question. Cette facilité de penser nous impose cette certitude et nous courrons désespérément à la recherche d’une bonne graine exceptionnelle, qui pourrait pousser dans ce terreau si mal entretenu.
A l’exemple d’une réussite exceptionnelle et dans un réflexe de protection facile, nous imaginons alors, que seule la chance ou le génie a pu servir un tel résultat. Mais comme en culture, si les événements extérieurs ou incontrôlables, comme l’ensoleillement, la température ou la pluviométrie sont des circonstances déterminantes, elles ne garantissent pas pour autant, à elles seules, l’assurance du meilleur résultat. De même, que pour la qualité de nos décisions, l’environnement positif n’y suffira peut-être pas, car il ne pourra pas surmonter le laisser-aller de notre entretien cervical.
Il arrive parfois qu’une très belle plante pousse bien dans un jardin « bordélique ». Ce phénomène est rare. Il est aussi dangereux, car il nous conforte faussement, dans l’idée que cela pourrait donc se reproduire, sans autre effort que de semer.
Force est de constater que la meilleure solution est d’éradiquer au mieux les mauvaises herbes ou les mauvaises pensées, pour laisser la place aux bonnes graines ou aux bonnes idées.
Comme en matière de jardinage, l’effort est significatif au début, mais, avec un peu d’entraînement, il devient naturel, systématique et assez facile en n’exigeant qu’un peu de rigueur et d’objectivité. La douleur du départ est rapidement remplacée par la satisfaction du résultat.
Si l’on veut contredire ce concept, il nous faudra expliquer cette bizarrerie, de constater que c’est souvent les mêmes personnes qui réalisent positivement les bonnes idées, au même titre que c’est souvent les mêmes jardiniers, qui obtiennent les meilleurs fruits ou les meilleurs légumes. Et, tous les faux prétextes ou les fausses excuses que nous nous donnerons, ne feront, que faire sourire nos contemplateurs ! La mauvaise qualité de la graine semée, trop de pluie ou pas assez, ce soleil qui n’à pas suffit mais qui suffira à nous dédouaner du mauvais résultat, seront des prétextes qui éviteront de nous remettre en question en nous donnant l’illusion, très confortable, de la préservation de notre excellence. Cet aveuglement et cet orgueil improductif entretiendra aussi l’assurance de la répétition de nos échecs. Encore une nouvelle facilité dictée par notre vanité, comme les mauvaises herbes qui nous fourvoient.
C’est très bien, me direz-vous, mais où trouver la notice du bon fonctionnement proposé. Elle n’existe pas sur Internet car elle n’est ni universelle, ni unique. Elle appartient à chacun d’entre nous spécifiquement.
Le fait d’en comprendre le principe est cependant le bon moyen de la trouver car il est, de toute façon, sauf hasard, impossible de trouver si l’on ne cherche pas. Cette difficulté ne justifie cependant pas notre faiblesse, car il existe bien quelques principes stables qui peuvent servir de base à l’élaboration de la bonne méthode. Le principe étant de se méfier de nous-même, car en ce domaine, nous sommes souvent notre pire ennemi.
Je propose d’utiliser le système de la feuille blanche. Il consiste d’une part à n’inclure aucun de nos « a priori » (d’où la feuille blanche) et d’autre part, à nous imposer l’obligation de l’écrit, qui nous permettra concrètement de vérifier la vérité des faits. Alors que la pensée ou la parole s’envole, l’écrit reste et nous permet d’y revenir en apportant les rectifications nécessaires. Il nous engage aussi en nous obligeant ainsi à une meilleure précision. Il devient impossible, quand une contradiction évidente nous est imposée, de prétendre : « Ce n’est pas ce que j’ai dit, ou ce que je voulais dire » qui n’est que le constat d’avoir dit n’importe quoi. C’est écrit et ça reste. L’écrit permet également de soupeser ses mots pour communiquer à notre cerveau cette précision nécessaire à l’élaboration d’une bonne décision, car souvent le diable se cache derrière les détails de l’imprécision.
Le principe de la feuille blanche va également nous aider à la méthode en 5 étapes.
Etape 1 : Définir ses objectifs :
Par sa relative lenteur (on écrit généralement moins vite que l’on ne parle ou que l’on ne pense), l’écrit possède également la qualité de structurer notre pensée en définissant un plan de raisonnement. Observez comme à partir d’une idée, nous sommes déjà, avec la seule pensée ou la seule parole, dans l’élaboration de la mise en œuvre, en sautant deux étapes essentielles qui consistent à définir « pourquoi cette idée » et « quels sont les objectifs recherchés ? ». C’est alors un peu comme si nous semions n’importe quelle graine sans savoir ce que l’on veut faire pousser. La probabilité d’obtenir le fruit recherché devient alors très aléatoire. Ecrire ses objectifs recherchés, nous incitera donc à éviter de nous égarer vers des chemins de traverses nous conduisant assurément partout, sauf là où nous voulions aller.
Etape 2 : Rechercher la vérité :
Dans notre désir précipité d’obtenir le résultat, notre cerveau, activé par le moteur de l’envie, aura tendance à nous livrer des éléments dans le seul but de nous satisfaire. Ainsi nous y inclurons des « fausses vérités » qui répondront à ce que nous voulons et non pas à ce qui est. L’écrit va nous faciliter l’accès à la vérité, simplement en se posant la question « Est-ce vraiment la vérité ? »
Etape 3 : S’imposer l’expertise :
Il est plus facile de rencontrer la mauvaise information que la bonne, surtout lorsque l’on ne s’interroge pas sur la question de la qualité. Documenter son idée offre une meilleure garantie de l’expertise. Il convient donc de prendre le temps de la récolte de la bonne information.
Etape 4 : Provoquer la contradiction :
Très bien, j’ai fixé mes objectifs, j’ai vérifié que je pensais la vérité, j’ai documenté mes idées. Je dois maintenant contrôler la qualité de cette fondation en tentant d’éliminer les mauvaises herbes qui auraient pu s’y glisser. Un bon moyen, est de s’imposer la contradiction qui permettra de sécuriser l’idée par élimination des mauvaises pensées, en estimant modestement qu’à priori, j’ai pu me tromper. Pour cela, j’oppose à mon idée une idée opposée, je la soupèse, je la détruis ou je la conserve en partie, mais cela augmente ma certitude. C’est une bonne façon d’élaborer la bonne idée par élimination des mauvaises.
Etape 5 : S’imposer le réalisme :
Mes objectifs sont clairs, je pense la vérité, j’ai bien documenté et j’ai sécurisé mes idées en y opposant la contradiction. J’ai donc un plan de raisonnement solide qui va déterminer mon action. Mais ce plan n’est bon que s’il est applicable : Je dois donc me poser la question de savoir « Mon plan est-il réaliste dans son application ? » car rien ne sert d’avoir la bonne idée par le bon raisonnement, si celle-ci est, pour moi, est inapplicable. Je dois donc répondre à la question simple « Suis-je en mesure de dérouler cette action ? » en n’hésitant pas à appliquer quelques variables pour rendre possible l’exécution.
Vous avez peut-être le sentiment d’une « usine à gaz » mise en œuvre pour un problème bien simple !
Il n’en n’est rien, car ce qui paraît fastidieux à décrire, devient rapidement un réflexe à conduire. De même, considérer que le problème est simple est une erreur car il n’apparaît simple que parce que vous ne le voyez pas.
Le profit que vous tirerez de cette attention est considérable puisqu’une mauvaise décision est exactement le contraire d’une bonne, en termes de résultat.
D’autre m’opposeront que la méthode peu détruire le plaisir ou l’envie. C’est peut-être parce qu’ils n’ont pas inclus l’envie dans la définition de leur objectif.
Si maintenant, vous choisissez une voie très différente que celle déterminée par ce raisonnement, pour simplement satisfaire à votre envie, vous récupérerez l’avantage de savoir pourquoi vous êtes en échec, ce qui vous permettra de mieux le supporter, en évitant de pleurnicher sans cesse, sur votre prétendue malchance.