Apologie du doute

Depuis les années 70, les psychologues voyaient dans le doute quelque chose à éradiquer au plus vite, car selon eux « douter, c’était manquer de confiance en soi », ce qui leur apparaissait un facteur potentiel des maladies de troubles mentaux, y compris, l’anxiété et la dépression.  

Ils expliquaient cette théorie par la nature humaine qui n’aime pas « ne pas savoir » car elle est en quête de réponse et que ce trait était apparu, pour assurer notre survie au cours de l’évolution.

De plus leur certitude était confortée par des séries d’expériences qui démontraient, que les sujets étaient beaucoup plus stressés, quand ils ne savaient pas si oui ou non ils recevraient une petite décharge électrique, que quand ils étaient certains d’en recevoir une.

Tout semblait donc en bonne place dans la nature des choses.

C’est récemment, qu’une étude portant sur le monde médical, a mis en évidence que les étudiants en médecine qui fuient l’ambiguïté, avaient tendance à se désintéresser des patients, qui souffraient de pathologie complexes et difficiles à diagnostiquer. Ces internes étaient gênés par l’incertitude.
Ils exprimaient clairement leur souffrance, à ne pas détenir la solution pour ces malades, ce qui les conduisaient à tenter de les oublier. Cela s’expliquait par le fait que la médecine, et son enseignement, a toujours été en quête de certitude, appliquée au diagnostic, comme au traitement.

Cette étude empirique démontrait, que le refus du doute et la nécessité d’une certitude immédiate, pouvait engendrer des conséquences néfastes.

En 2008, un programme de formation développant la gestion du doute comme un élément naturel à l’idée qu’il n’existe pas de traitement à l’emporte-pièce et que l’ouverture au tâtonnement permettait de s’emparer du doute, plutôt que de le combattre, fut mis en place.
Les résultats constatés permirent non seulement de soulager la souffrance des médecins, mais également de trouver des solutions de traitements nouveaux et adaptés.
Apprendre à suspendre le pilote automatique généré par les hypothèses heuristiques pour changer de cap et réévaluer la situation, portait ses fruits.

Plus que l’incertitude elle-même, n’était-ce pas notre incapacité à tolérer le doute, qui devait être remise en question ?

Etendue de manière plus générale, cette observation prenait un éclairage nouveau : L’incertitude ne serait-elle pas de nature à élargir notre champ de vision, en sollicitant notre mémoire de travail, qui mobilise la pensée lente, nécessaire pour actualiser notre interprétation obsolète.  

Ne faudrait-il pas apprendre à supporter le doute, en le gérant comme un moteur positif de découverte, de savoir et d’apprentissage ?

Personnellement, je défends cette théorie depuis que j’ai compris que mes certitudes devaient être confortées par l’élimination progressive de mes doutes. Ainsi, ce que je croyais savoir était consolidé par le fait que je savais pourquoi je pensais cela, parfois en opposition à ma seule cognition intuitive.

A observer que ceux qui fuient l’indétermination, ont tendance à privilégier des raisonnements rigides, ou à tirer des conclusions hâtives, j’ai compris que savoir tolérer l’incertitude, était un tremplin vers l’épanouissement cognitif et la recherche de la vérité.

Autrement dit « J‘affirme avec assurance que je suis plein d’incertitudes, et que cela contribue à la justesse de mon raisonnement . »

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