
Partons du postulat que la démocratie serait le meilleur système, pour permettre le respect des libertés fondamentales. Comme tout système, la démocratie comporte des limites, des contraintes et des obligations.
Périclès, le père de la démocratie, la définissait à travers trois exigences :
Isonomie : L’égalité devant la loi, Isocratie : L’égalité de pouvoir, Isagoria : L’égalité de parole.
Si on adhère à ces concepts, il convient d’établir un cadre pour les respecter. La Constitution définit les règles, la loi est prévue pour les faire respecter. Enfin, il faut, pour assurer la pérennité du système, que ce cadre soit effectivement appliqué rigoureusement.
Autrement dit, sans accepter les règles érigées dans la Constitution, ou sans appliquer strictement la loi, le système démocratique ne peut survivre et risque de dériver, insidieusement, vers des systèmes autoritaires privatifs de liberté.
Ce risque permanent de délitement est proportionnel à notre perte d’attention sur l’application rigoureuse de la loi.
Ainsi, chaque défaillance sera inévitablement exploitée, soit volontairement, par les populistes de tout poil, qui y trouvent la matière de leur futur accès au pouvoir, soit involontairement, par un réflexe revendicatif ou une réaction autoritaire, en compensation d’un pouvoir déficient.
On distingue quatre types de défaillances qui nuisent à la bonne démocratie :
- Une défaillance de connaissance, car pour accepter un système il convient d’en connaitre « à minima » les règles. Notre système éducatif porte une lourde responsabilité d’avoir transformé l’éducation de la connaissance pratique des règles d’éducation civique, en une forme quelconque d’éducation citoyenne, bouillie conceptuelle, dispensée par des enseignants non spécialisés et considérée comme une matière secondaire, qui ne sera pas sérieusement évaluée. La dénomination « Education Civique » claire et simple, qui sous entendait l’apprentissage pratique de l’organisation de notre système politique, judiciaire et juridique a été transformée, sous la pression des frasques des bobo-intellectuels de l’Education Nationale, par ECJS/EMC, plus habile à débattre du discours dominant, qu’à dispenser une connaissance pratique. C’est ainsi que nos jeunes arrivent à l’âge adulte sans connaître le fonctionnement de nos institutions, mais dans l’aisance de pouvoir philosopher sur la société, en se fabricant un ersatz de règles personnelles, sans soucis du bien commun. De plus et subsidiairement, l’abandon du Service Militaire Obligatoire, ne permet plus un éventuel rattrapage ou recadrage de l’acceptation et de la connaissance des règles, qu’il pouvait opérer sur une part plus fragile de la population.
- Une défaillance concrète applicative sous la responsabilité du pouvoir exécutif et judiciaire. La loi n’est pas systématiquement et rigoureusement appliquée, ce qui invalide le système. Sous l’influence permanente du politique, sous la pression sociale, sous le dictat des organisations ou des pensées partisanes, le juge exécute une loi à géométrie variable, suivant le moment où l’intérêt particulier. Le pouvoir judiciaire chargé de contrôler l’exécution est également défaillant soit par facilité, soit par manque de moyens d’exécution réelle des peines. Les juges n’ont pas compris qu’en refusant d’appliquer simplement les lois existantes, sous la seule pression d’une minorité bruyante qu’ils espèrent ménager, non seulement ils ne répondent plus à l’obligation démocratique d’appliquer les lois de la République, émanant du peuple, mais de plus, ils pourrissent définitivement leur image et celle de l’Etat face à la grande majorité des Français silencieux.
- Une défaillance d’adaptation : Les modes de communications ont beaucoup changé, notamment sous l’impact des réseaux sociaux qui sont devenus, malheureusement, le moyen le plus performant de diffusion de l’information, dénué de formation, mais bien garni en déformations ou même en contre informations. C’est ainsi qu’une part importante de la population et particulièrement les plus jeunes détiennent un savoir, sans connaissance autre que celle acquise, en 140 caractères, d’un quelconque fait divers ou d’évènements de l’instant, qui font le buzz. La valeur et la qualité de l’information ainsi ingérée est évaluée aux nombres de tweets récoltés ou la quantité assure la qualité et où la voix dissonante est conspuée. Notre défaillance d’adaptation consiste à ne pas tenir compte de ce phénomène en ne prenant pas des contremesures de compensation.
- Une défaillance sur les décisions politiques : Une difficulté du pouvoir démocratique consiste à rendre compatible la nécessité d’être élu par l’adhésion électorale à ses projets et la difficulté de les réaliser. Il faut donc plaire suffisamment pour obtenir le pouvoir et faire accepter ensuite, le pouvoir en main, de se trouver dans l’incapacité de respecter ses engagements. Cette contrainte a cependant l’avantage de favoriser l’alternance qui garantit la pratique démocratique. Quelques politiques préfèrent, sans l’avouer, rester dans l’opposition et partager ainsi, grâce à leurs combats ou leurs capacités de nuisance, un véritable pouvoir. Mais la plupart sont sensibles à l’ivresse du pouvoir qu’ils cherchent à conserver au prix de ne pas prendre des décisions courageuses, qui fâchent. Il en ressort deux races distinctes. Celle de ceux qui cherchent essentiellement à rester au pouvoir et plus rares ceux qui resteront dans l’histoire quitte à fortement déplaire dans l’immédiat, et donc perdre le pouvoir.
De nombreux exemples, connus de tous, illustrent ces propos. L’actualité s’en fait l’écho.
- La dérive quasi systématique des manifestations vers des actes de destructions ou de violences est un des exemples évident de la transformation d’un droit constitutionnel de la liberté d’expression en une cascade de délits non réellement sanctionnés, par la non application des lois existantes. L’objet même de la manifestation est oublié au profit du spectacle navrant des violences qu’elle engendre : Pour exister il suffit d’en être, sans nécessairement savoir pourquoi. Rajouter de nouveaux textes législatifs à ceux existants non appliqués, ne fait qu’ouvrir de nouvelle possibilité de non application des textes, ainsi votés.
Toutes les manifestations publiques doivent faire, en France, l’objet d’un accord préalable. Comment l’Autorité, le Préfet, le Maire, peuvent-t-ils autoriser ces manifestations, en sachant pertinemment la forte probabilité des violences qui vont s’y dérouler, alors même que l’accord est sous leur seule appréciation et qu’ils doivent vérifier si les moyens de sécurité présentés, dans la demande des organisateurs, sont opérationnels.
Pour ne rien arranger, le prisme des médias, conduit le téléspectateur à banaliser le jet d’un pavé ou d’un cocktail molotov sur les services de police, comme un acte purement défensif et anodin, alors que la réplique policière sera présentée comme un geste barbare et inadmissible.
Demande et Délivrance des Autorisation à manifester, Description du service de sécurité mis en place, sanctions financières et pénales en cas de fausse déclaration, etc…. Sont clairement prévus dans les Articles L211-1 à L211-4 du Code de la Sécurité Intérieure… mais jamais appliquées.
- La mise hors d’état de nuire, soit par enfermement, soit par expulsion, d’immigrés illégaux et, particulièrement ceux estimés comme potentiellement dangereux, n’est pas opérationnelle. Là encore, la mise en œuvre prévue par la loi n’est pas appliquée par laxisme, par crainte du désordre engendré par des pseudos défenseurs des libertés individuelles qui ne mesurent pas les éventuelles conséquences de leurs exigences, parfois même par peur de représailles ou par simple conformité à la « bien-pensance ».
- La récidive d’actes criminels, rendue possible par l’application mal évaluée, du système de remise de peine, ou de mise en liberté, met souvent en exergue la défaillance du système judiciaire en fournissant, en plus, une bonne raison aux extrémistes de toute nature de justifier leur attitude, simplement à partir de cas médiatiquement spectaculaires.
- Le laxisme face aux diffuseurs de l’idéologie islamiste, bien connus des agents de l’Etat, à travers des pseudos associations de défense des libertés parfois financés par l’Etat lui-même. La libre présence, la libre circulation, libre parole sur le territoire national de prêcheurs douteux qui trouvent asile ou accueil, dans notre pays des droits de l’homme, sont des occasions faciles de promouvoir un terreau fertile au terrorisme et encourage la perte de confiance de la population en la capacité sécuritaire qui lui est due.
Actuellement nous cumulons plusieurs méfaits qui nous laissent penser que nous vivons un des pires moments de notre existence. La pandémie Covid bien sûr, l’insécurité du terrorisme islamiste aussi, l’évolution violente de notre société, une situation économique inquiétante cumulant l’augmentation de la courbe du chômage et le constat d’un endettement conséquent de notre Etat au bord de la faillite
Convenons que la cuvée 2020 ne fut pas fameuse.
Mais ce « pressenti » ne l’est que parce que nous sommes des aveugles de l’histoire.
Le Président Macron nous dit « C’est dur d’avoir 20 ans en 2020 » : Parce que c’était mieux avant, peut-être ? Il n’est pas besoin d’aller chercher bien loin, dans notre histoire, pour relativiser ce sentiment et comprendre que notre ressenti, entretenu par notre pessimisme chronique, ne correspond pas à la vérité.
Il y a une centaine d’années, en 1918, la grande guerre a tué, sur cette seule année en France, 230.000 jeunes soldats et 130.000 civils. La pandémie de la grippe Espagnole, tant qu’à elle, a emporté 400.000 personnes en quelques mois. Le poids de la souffrance engendrée par ces catastrophes est sans commune mesure à celui que nous supportons actuellement, car personne n’a bénéficié, à cette époque, de mesures d’amortissement, tout simplement parce qu’elles n’existaient pas. Point de chômage partiel, point d’aides quelconques aux entreprises, point des milliards distribués par le système monétaire européen.
En 1918, la population est en première ligne d’un front hautement plus cruel et violent, sans même comparer la situation économique d’un pays en ruine et la situation sociale ou seulement la moitié des actifs peuvent prétendre à un travail de 60 heures hebdomadaire, sans protection sociale, assurance quelconque ou droit à la retraite naissante.
Cette vérité historique rétablie, il faut bien convenir que notre sentiment de souffrance est aussi, et peut-être surtout, exacerbé par la vision pessimiste de notre avenir. Certes notre quotidien n’est pas facile mais aussi nous sommes entrés dans un tunnel qui ne nous laisse pas entrevoir la lumière de sa sortie. Ce n’est peut-être pas, que l’ascension du col soit si dure que cela, mais plutôt le constat que nous l’attaquons à reculons. Il semble, en effet, que les valeurs de notre société s’orientent plus vers le sombre, que vers la lumière
Les énormes progrès de l’humanité en matière de pauvreté notamment, l’évolution constante de notre civilisation de loisirs, l’amélioration de nos conditions de travail et d’existence, n’arrivent pas à endiguer notre vision sombre de l’avenir.
Il faut bien reconnaitre que les valeurs qui prédominent ne nous y aident pas. L’individualisation de nos propres intérêts fragmente notre société dans l’incohérence, les croyances parallèles, insolites et perverses, abondent en épaississant le nuage cachant le soleil, l’esprit du politiquement correct ou de la bien-pensance tue le raisonnement et l’humour. L’incohérence même devient cohérente. Le rejet de masse, sans chercher l’amélioration, de ce qui a fortement contribué à la qualité de notre situation est érigé en principe de destruction.
Nous abordons la traversée d’une nationale, à forte circulation, guidée par un aveugle, alors que nous devrions traverser l’océan, accompagné d’un véritable marin.
Nous devrions avoir la pensée plus agile et le geste moins leste.
Il semble que nous quittons le chemin des « lumières » pour diriger nos cerveaux vers une forme d’obscurantisme. Il y a certainement là, par contre, un véritable sujet d’inquiétude.