Du bon usage des images

Ecrit par Alain.

Je ne sais pas vous, mais moi je suis de plus en plus méfiant face au déferlement d’informations relayées par les médias en tout genre, notamment les réseaux dits sociaux, dont  la définition de l’auteur Gérard Sansey* m’apparaît pertinente : « Internet constitue le meilleur moyen offert à des gens ordinaires pour faire connaître au monde entier l’étendue vertigineuse de leur inculture et la banalité de leur existence à travers un style exécrable ». Au-delà de cette lecture, l’on est confronté à des nouvelles souvent invérifiables qui nécessitent de prendre du recul et d’analyser les faits avec raison. C’est ainsi le cas des photos ou films reproduisant des évènements présentés comme des vérités que les grands médias passent volontairement sous silence afin de ne pas déplaire à des tiers.

Ces derniers jours, un ami m’a envoyé un petit film me plongeant dans un océan d’incertitude : la scène se passe en Palestine où une procession mortuaire est filmée par un habitant du haut de son appartement. Un enfant mort, victime des tirs israéliens, est porté sur un brancard par six hommes psalmodiant. Le convoi avance lentement dans la rue vers la dernière demeure de ce pauvre gosse innocent quand, tout à coup, les sirènes retentissent annonçant un prochain bombardement. L’effet est immédiat : les porteurs laissent tomber sans ménagement le brancard, l’abandonne au milieu de la chaussée et s’enfuient dans tous les sens comme des lapins. La caméra reste fixée sur le brancard… dont le linceul commence à s’agiter ! Un bras apparaît puis la tête de l’enfant qui se débarrasse au plus vite de l’étoffe encombrante pour se carapater à son tour ! Certes, la Palestine est une terre de miracles et dans un film des Monty Python, ce gag serait hilarant, mais là que penser ? Ce moment permettant de fixer cette scène tient-il vraiment du hasard ? Et ce long plan de la caméra sur le brancard de l’enfant n’est-il pas volontaire ?  Nous avons donc le choix entre un processus particulièrement odieux consistant à utiliser un enfant pour stigmatiser les bombardements ennemis, ou bien peut-être une manipulation des services secrets du  camp adverse afin de ridiculiser l’adversaire.  Dans les deux cas c’est pitoyable. En fait, comment désormais croire à l’authenticité d’une image ? Même ce pauvre saint-Thomas y perdrait son latin.

Technique vieille comme le monde ; notre ami Confucius – qui n’était pas la moitié d’un sot – avait inventé cette formule célèbre « une image vaut mille mots ». Certains l’ont bien compris, tiens par exemple, en cette année anniversaire de la mort de Napoléon le 1er, nous pouvons évoquer son appétence pour cette forme de langage au service de sa glorification, quitte à tordre la vérité à son bénéfice. Le célèbre tableau d’ Antoine-Jean Gros « Napoléon au pont d’Arcole » en est l’exemple type : le futur empereur est présenté entraînant ses troupes sous la mitraille en arborant fièrement le drapeau révolutionnaire, magnifique envolée néo romantique… La réalité historique est plus prosaïque puisque notre valeureux Napoléon est tombé du pont, s’est lamentablement vautré dans la boue… et y serait encore sans l’aide de ses soldats ! Autre représentation bien connue « Bonaparte franchissant le col alpin du Grand-Saint Bernard », magnifique peinture représentant le général drapé dans un riche uniforme, chevauchant  son cheval blanc cabré dans une attitude guerrière… En fait la traversée s’est faite à dos de mulet !

Ainsi va l’information déformée évoluant au fil des innovations, de la gouache et du photomontage largement utilisés dans l’ex-URSS afin de servir la propagande du régime, à la mise en œuvre de Photoshop  et désormais dans des films utilisant l’intelligence artificielle. Tout est bon pour valoriser un autocrate ou lyncher médiatiquement ses adversaires… et dans ce concert, les réseaux sociaux s’en donnent à cœur joie. Alors, ami lecteur, face à ce racolage restez zen, et dans la profondeur de votre fauteuil moelleux, un verre de vieux cognac à la main, vous regarderez avec discernement défiler les images.

*Tout honnête homme normalement constitué devrait posséder, bien en vue sur sa table de chevet l’excellent ouvrage de Gérard Sansey « 730 éclats de dire ».

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