Du conomètre* arcachonnais

Par Alain

Je ne sais pas vous, mais moi je reste toujours ébahi par la propension de nos contemporains à se complaire dans la connerie humaine ; tel Sisyphe et son rocher, l’homo actualitus n’a cesse de repousser plus haut – avec une pugnacité qui force le respect – les limites acceptables d’idées idiotes.

Dans le genre, si vous disposiez de quelques subsides, le must était de se rendre la semaine dernière à  Arcachon, sur la plage des Arbousiers, où, avec un choix de privilégiés, vous alliez vivre, nous dit la pub, « une expérience gastronomique extraordinaire et inédite la tête dans les étoiles. En plein ciel d’Arcachon, une table de vingt-deux personnes est suspendue dans les airs. Au centre de la table se trouve un espace cuisine permettant aux Chefs de préparer et servir face à vous un repas d’exception ».

Ainsi donc, suspendus dans une nacelle reliée par un câble à une gigantesque grue, les heureux participants, juchés à cinquante mètres du sol, étaient là pour déguster diverses bricoles raffinées concoctées par des chefs renommés. Cette haute voltige supposait malgré tout quelques contraintes ; il n’était pas question par exemple de songer un seul instant à une méditation prostatique, car sanglés comme des bêtes de somme dans un siège de voiture de compétition – pour ne pas tomber, cela ferait désordre – chacun se devait de rester vissé à sa place. Ce petit désagrément rangé au rayon des pantouflards non aventuriers, l’assemblée pouvait donc se bâfrer avec ostentation devant des badauds tout esbaudis à la vue de ce merveilleux spectacle. A l’avenir, afin de parfaire cet idyllique tableau d’un repas au septième ciel et de garantir une belle humanité à cette charmante idée, je proposerais aux organisateurs de rameuter dans la plèbe un éventail de malheureux – il doit bien en exister dans cette ville balnéaire – à qui les convives pourraient jeter négligemment quelques reliefs de leur sublime tambouille, acte charitable et désintéressé qui permettrait en outre de leur donner bonne conscience.

Comme dirait ma tante Apolline : « plus con et vulgaire tu meurs ! ». Sans compter qu’à l’heure où l’on nous demande de réduire notre consommation, la mobilisation d’une énorme grue – empiétant d’ailleurs sur le domaine public – et les groupes électrogènes mis en œuvre ne sont pas un exemple de sobriété énergétique. Cela dit, les petits malins organisateurs de ce concept ont sans doute engrangé près de cent cinquante mille euros sur cinq jours d’exploitation ; peut-on leur reprocher de profiter de la connerie humaine ?

*Appareil tentant désespérément de mesurer la connerie humaine.

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