
A bien observer l’évolution de la guerre en Ukraine, on s’aperçoit d’une évidence : Chacun des belligérants marque ses avancées en fonction de son expertise.
Côté russe.
Ainsi, les Russes semblent particulièrement adroits, dans leur stratégie de communication et de manipulation, car ils ont des décennies d’avance dans ce domaine, grâce à la suprématie de leurs services de renseignements, FSB, ancien KGB et autres officines parallèles, qui opèrent de longue date à grande échelle.
Leur force, en ce domaine, tient aussi, aux options qui fondent leurs actions depuis toujours. Ainsi, ériger le mensonge systématique comme moyen habituel de communication, éliminer leurs opposants classifiés comme des traîtres, pratiquer le déni sur tout ce qui ne leur convient pas, quitte à reformater l’histoire par des interprétations fictives des évènements du passé, leur permet, de surprendre, d’innover, et parfois de convaincre.
Malgré la violence et la grossièreté de leurs méthodes, ils sèment le trouble dans la naïveté occidentale et séduisent l’aveuglement des Africains.
C’est ainsi qu’ils tentent de transformer leur guerre contre l’Ukraine, en un acte d’envahissement et de destruction organisé, en une « opération spéciale ». Pour libérer leur frères Ukrainiens, sous le joug d’une pseudo oppression nazie, ils présentent ainsi leur intervention, comme une obligation quasiment humanitaire.
C’est ainsi, qu’ils transforment l’asservissement de leur population qui vit dans la misère, par la fierté d’appartenance à une grande nation, unie pour se défendre des agressions permanentes d’un occident lâche et belliqueux, qui ne rêve que de les dominer. Les pseudos ennemis de la Russie n’ont pour seul objectif que de soumettre la population.
C’est ainsi, qu’ils font valoir en Afrique, auprès d’une population pauvre et déjà accoutumée au dictat de leurs dirigeants despotiques, la bienveillance des mercenaires sanguinaires du groupe Wagner, venu leur apporter la sécurité et le soutien d’un grand frère salvateur.
C’est ainsi, que plus récemment, ils sollicitent l’intervention de l’AIEA afin expertiser la sécurité de la centrale atomique de Zaporijjia, pour tenter de transférer leurs responsabilités d’envahisseur de ce lieux stratégique, sur le dos du pouvoir Ukrainien qui pousserait la perfidie jusqu’à bombarder la centrale, quitte à risquer d’irradier sa propre population. Même les obus tirés qui, avant de perforer le sol, opèrent un demi-tour opportun, ce qui démontre l’origine ukrainienne de la frappe, obéissent aux ordres de leur imagination.
Sans doute, verrons-nous demain, combien ces millions d’Ukrainiens déplacés , pour ne pas dire déportés en Sibérie, exhiberont leur liesse avec reconnaissance, aux yeux du monde admiratif, de cette noble Russie qui pousse l’humanité jusqu’à offrir à ce peuple, jusqu’alors asservi, un avenir radieux dans l’opulence d’un état providence. Les journalistes ne manqueront pas de diffuser l’image de cette famille relocalisée, agitant des petits drapeaux russes, dans cette grande liberté d’expression si coutumière de leurs bienfaiteurs. Ils seront, bien sûr, entourés de quelques militaires armés dans le seul but d’assurer leur sécurité.
Eh bien non ! il ne s’agit pas de science-fiction, mais au contraire d’un bon film de prestidigitateur, qui remplit les salles des spectateurs les plus naïfs, malgré un scénario de série B.
Alors que le pays est violent, pauvre, injuste, belliqueux et arriéré, les dictateurs Russes fabrique une Russie fictive, qu’ils présentent aux yeux du monde comme puissante, riche, sociale et respectable.
C’est la Russie en version « métavers ».
Cela les obligent à éradiquer toutes sources de contestation qui mettraient à mal cette vision.
C’est grossier, mais ça marche, et bon nombre s’y font prendre.
Au premier rang, quelques Européens, qui adhèrent d’autant plus à la supercherie, qu’elle sert leurs intérêts, basés sur leur seule politique contestataire et anti américaine. Tant pis, si cette adhésion contribue à la future misère de leurs congénères. La fin justifie les moyens et la quête du pouvoir n’a pas d’odeur. Mais à bien renifler, ça pue un peu.
Mais au-delà, de ces farfelus dangereux, regardez comme le « monde civilisé » lui-même, s’est fait endormir par cette image de bienséance, au point d’occulter les nombreux actes, qui auraient pu le réveiller.
Un Poutine si présentable, presque un gendre parfait, discret et sûr de lui, qui au fil des années a trompé les plus grands de ce monde, qui ne rêvaient que de s’allier à cette icône d’honnêteté et de respectabilité.
Certes il a asservi la Tchétchénie, rasé Alep, annexé la Crimée, envahit le Donbass et au passage empoisonné ou enfermé quelques dissidents décadents. Mais ce ne sont que quelques détails concrets, qui ne justifient pas une désapprobation. L’Europe a légèrement toussé, sans plus, et cela suffi à l’occident pour se rassurer que tout se passerait bien.
Poutine va envahir l’Ukraine ! Non, mais vous y aller un peu fort ! Ces américains sont vraiment incorrigibles ! Ils voient le mal partout !
Regardez-nous, germaniques, pourtant fort de notre grande expérience d’envahisseurs, et, observez notre acharnement à obtenir notre dépendance énergétique avec ce seul partenaire, sans que jamais notre image de pragmatiques sérieux et efficaces, soit remise en question.
Mêmes nos Verts, que personne ne peut taxer de laxistes, à voir leur grande volonté à abandonner toute production d’énergie nucléaire, ont insisté lourdement afin de mieux être cocufié par un mariage contre nature.
Côté Russe, on a dû bien rire, à constater à quel point un scénario aussi bidon, pouvait tenir la route !
Et cette armée Russe, dont on avait déjà constaté, à la fin de la guerre froide, à quel point elle avait joué à la « grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf », pour s’apercevoir à l’ouverture de la porte que sa technologie datait de 1945.
Point n’a suffi ! C’était sûr, que depuis, elle était devenue une grande armée moderne et tellement bien encadrée.
Il suffisait pour s’en convaincre d’observer la grandeur de ces défilés militaires, qui exhibaient fièrement, sur la place Rouge, les ogives, certes en carton-pâte, mais tellement impressionnantes.
Ce n’est pas pour rien que cette immense foule applaudit à tout va !
Mais voilà, la vérité est une belle salope. Vous avez beau tout faire pour la déguiser, elle rebondit toujours pour vous contrarier. C’est indécent. Elle en devient insupportable.
Cette armée en déliquescence, ces Européens qui restent unis, ces voisins qui rejoignent l’Otan, pourtant moribond, et ces américains qui à coup de milliards de dollars, alimentent l’armement de nos frères ennemis.
C’en est trop, je vais donc continuer à rejeter ces vérités encombrantes. Oublions ces quelques détails inconvenants, pour nous placer sur le terrain de notre spécialité performante : la manipulation des idées.
Coté Ukrainien.
Impossible de rêver au monde que l’on voudrait. « Maïdan » nous enferme à une réalité avec ses conséquences et ses avantages. Nous avons gagné notre liberté et la guerre nous rappelle ce triste constat. La vérité qui limite notre imagination sans contrainte, mais assure à nos actions l’efficacité redoutable, qui garantit le résultat. C’est notre expertise. C’est pour cela, et surtout grâce à cela, que l’on va gagner cette guerre sur le terrain de la réalité. On ne sait pas tout, mais on sait pourquoi on le sait.
Pour ce qui est de la communication, nous avons trouvé le couple Zelensky, idéal : un presque sans faute pour rallier nos alliés, en évitant au maximum, de copier les travers de notre ennemi, fait de mensonges et d’illusions.
Téléguidé par le pouvoir russe, Victor Ianoukovich, a fui, dans la nuit étoilée, du 21 février 2014.
Depuis, nous n’avons cessé de progresser techniquement, socialement et mentalement vers le monde démocratique, pour enfin devenir ce pays moderne et riche, que nous cachait le mur du silence et de la soumission.
Nous avons appris à gérer nos certitudes à travers nos contradictions, à élaborer nos pensées sur la vérité et c’est pour cela que même notre pays rasé, ne soumettra pas, pour autant, notre peuple.
Et, l’Occident.
Bien sûr, votre bienveillance occidentale, me fera remarquer qu’il ne faut pas confondre le pouvoir Russe et le peuple Russe, et que cette mesure qui rend difficile, tout voyage en Europe est cruelle et mal ciblée.
Il y a ceux qui viennent voir, pour vérifier si leurs soupçons sont justifiés. A leur retour, ils garderont cependant un silence salvateur au service de leur liberté. Même à leur famille ou à leurs meilleurs amis, ils n’oseront décrire ce monde de douceur, de partage et d’opulence qu’ils ont constaté. Leur économie leur a permis ce voyage couteux, car ils sont, pour la plupart, du bon côté de l’échelle, le côté où l’on monte. S’y maintenir est à la fois prudent et confortable : il suffit de se taire quitte à devenir complice par inaction.
Il est presque humanitaire de les laisser dans le doute en leur évitant ce sentiment de culpabilité.
Mais surtout, il y a la grande masse de ceux pour qui la visite de la ville voisine de Sibérie ou de l’Oural est déjà un voyage exotique. Ceux qui prennent pour un luxe de privilégié l’aide que la commune leur a apportée, pour l’achat de ce poste de télévision, qui anime leurs soirées hivernales et surtout les rassurent sur la grandeur de leur nation et la bienveillance protectrice de leurs dirigeants.
Certes, ils ont l’immense excuse, de ne rien savoir sur presque rien, et surtout de ne pas savoir, qu’ils ne le savent pas.
C’est sur ce terreau fertile et résistant que se construit l’Etat russe tel qu’il est aujourd’hui.
L’ignorance du peuple soutient la fondation de leurs dirigeants despotiques. Leur résilience est la meilleure garantie de l’enrichissement d’une élite sans scrupule. Ce peuple a trop peu, pour exiger quoi que ce soit, leur misère est l’assurance de l’adulation de l’opulence et du prestige. Il faut les maintenir en l’état.
Certaines exceptions confirment cette règle. L’incroyable longévité de Mikhaïl Gorbatchev qui vient de disparaître à 91 ans, mort de son vivant ! Comment, cet homme de la pérestroïka et de la glasnost, cordialement détesté du pouvoir et d’une grande partie du peuple, a-t-il survécu à cette tentative avortée de démocratisation ? Comment ne l’a-t-on pas retrouvé mains liées dans le dos, mais, cependant suicidé d’une balle sur la tempe ? Peut-être valait-il mieux garder en vie ce symbole d’échec ? Voyez bien, que même si mon emploi du temps ne me permet pas d’assister à ses obsèques, le soin que j’ai pris de couvrir son cercueil d’un joli bouquet de fleurs.
Et Poutine…
Poutine avait presque tout. Le pouvoir sans concession, le peuple adulateur, le sous-sol assurant l’économie présente, le sol pour l’avenir des immenses terres de Sibérie, qui en dégelant, allait devenir le grenier du monde, l’eau en abondance et l’arme atomique pour conserver ces faveurs de la nature.
Mais voilà, comme toute graine ordinaire, les conditions d’environnement en feront un fruit plus ou moins gros, plus ou moins acide ou sucré et de plus ou moins belle apparence. C’est ainsi que le cerveau de Poutine s’est fabriqué sous l’influence de son parcours.
Les années KGB l’ont formaté aux coups retors, aux rapports de violence, au mensonge.
Son passage à la mairie de Léningrad (Saint-Pétersbourg aujourd’hui) l’ont modelé sur l’efficacité des méthodes mafieuses, pour faire la richesse et assoir la puissance.
Les années Eltsine l’ont conforté dans sa détestation de la faiblesse et de la dépendance.
L’injection de ces polluants à forte dose, ont interdit toute introduction d’une philosophie sociale ou humanitaire.
Sa fulgurante ascension jusqu’au pouvoir suprême a conforté ses certitudes, qui ne sont pas le fruit de ses pensées, mais seulement le poids de son passé.
La gloire était à ses pieds, il suffisait de se baisser. Mais l’ambition est le fumier de la gloire et comme il préférait régner en enfer que servir au ciel, il a choisi la folie de se perdre dans ses songes, pour servir l’ambition de ses mensonges.
Finira-t-il lynché, comme d’autres, dans un tuyau, peut-être celui de Nord Stream ?