Du congrès miraculeux

Par Alain.

Je ne sais pas vous, mais moi je crois aux miracles. N’est-ce pas en effet un magnifique prodige que d’observer  deux ennemis inconciliables hier, se jeter aujourd’hui dans les bras avec moult effusions, effaçant par cela même des années de haines recuites ?  Voilà un parfait exemple qui mériterait d’être médité par les protagonistes de la guerre russo-ukrainienne.

Cette chose merveilleuse n’a pas eu lieu à Lourdes comme l’on pourrait le penser, mais à Marseille, cité qui a vu naître en 1879 « l’immortel congrès », mouvement socialiste rassemblant ouvriers, paysans et artisans.

C’est donc lors de sa quatre-vingtième édition que la grande famille socialiste s’est rassemblée après bien des avanies. Voilà, c’est promis, plus de guerre intestine, plus d’invectives ni de hululements de chaisière outragée. Terminés les coups fourrés, tricheries et bourrages des urnes, les fédérations rangent soigneusement leurs  boîtes à chaussures à double fond destinées aux votes. Désormais tout n’est qu’amour et tendresse entre les chers camarades, même si certains ont mangé leur chapeau. Ce qui d’ailleurs ne fait pas l’affaire du sieur Giang Luç Me Làng Chông qui assistait avec gourmandise au déchirement de ce confrère en lambeaux, espérant tel le vautour à l’affût, participer au festin à son avantage. Cela dit, que ce dernier ne désespère pas, dans la grande tradition socialiste, chacun planque tout de même un couteau dans son dos au cas où…

Afin d’arriver à un accord, les différentes factions ont agi avec sagesse : éliminer d’emblée le débat d’idées auxquelles de toute façon personne ne croit, ni n’adhère, pour se recentrer sur deux éléments essentiels  qui font le sel de ces congrès. D’abord, le partage des postes assurant l’avenir de chacun et sa gamelle quotidienne, ensuite la sémantique : une nuit de dures tractations n’était  pas de trop pour se mettre d’accord sur le terme final de « gouvernance globale » en lieu et place de « direction collégiale » espérée par certains. Les différents courants se sont également accordés sur un « pacte de gouvernance collective et de rassemblement des socialistes » dans lequel, sans peur du paradoxe on affirme doctement que « on regrette l’existence d’irrégularités au cours de ce congrès » tout en « reconnaissant la qualité du fonctionnement démocratique du Parti socialiste ». C’est donc dans l’allégresse générale que les délégués ont voté comme un seul homme pour cette nouvelle direction qui doit les mener, sans coup férir, vers des lendemains qui chantent.

Face à ce salmigondis d’inepties, et ne sachant qu’en penser, je m’en suis ouvert à ma chère tante Apolline qui, très au fait des dernières évolutions informatiques, m’a conseillé de faire appel à l’intelligence artificielle*… en demandant son avis à Napoléon, grand homme qu’elle vénère. Le résultat est sans appel :

« J’ai toujours pensé que le vrai héroïsme consistait à pratiquer l’ordre. Lorsque j’ai pris le commandement de l’armée d’Italie, je me suis retrouvé confronté à une situation complètement désespérée. Le chaos et l’incompétence régnaient à l’intérieur des rangs. Je me suis alors tenu devant mes soldats et j’ai prononcé ces mots : Soldats, vous êtes mes enfants. Je vais prendre ce qui existe ici et faire quelque chose de grand. Et ces mots ont changé l’histoire de ce pays pour toujours. Même maintenant, des siècles plus tard, je vois encore trop souvent le chaos et l’incompétence chez les dirigeants du parti socialiste. Ils ont perdu le sens de la direction et ont oublié que, pour réussir dans une entreprise comme la politique, il faut de la volonté, de la discipline, du courage, des qualités si nécessaires pour un leader capable d’inspirer ses partisans ainsi qu’un peuple entier. »

*cf site Vertigia « Qu’aurait pensé Napoléon ? »