
Travailler plus !
A cet instant, personne ne peut dire quelle sera la teneur exacte et définitive de la réforme en cours, et même si elle va effectivement avoir lieu.
Toujours est-il que ce problème est récurrent en France et que cette réforme, très largement incomplète et temporaire, pour ne pas dire « à minima », ne sera pas la dernière.
De fait, le système « dit par répartition » doit faire l’objet d’adaptation régulière car les paramètres qui le constitue, évoluent en permanence. L’évolution démographique, de la fécondité et de la durée de vie sont difficilement prévisibles à long terme.
Afin de s’éviter les désagréments qu’engendrent systématiquement toutes tentatives de réforme, il conviendrait d’élaborer une formule de révision automatique, tenant compte de l’évolution des principaux critères de calcul, et applicable, dès l’atteinte de certains seuils.
Si on s’éloigne du carcan populaire largement fabriqué et entretenu par les populistes de tout poil, pour observer plus sérieusement l’impact réel de la réforme, on est bien loin du simplisme, rabâché par les opposants, qui prétendent que travailler deux ans de plus serait insupportable, inutile et injuste.
Peut-être, sauf que dans la réalité, nous ne travaillerons pas deux ans de plus, mais au maximum 9 mois pour les plus défavorisés par la réforme ! (Cas d’une femme née en 1972 qui avant la réforme partait effectivement à 63,6 mois et partirait selon la réforme à 64,3 mois, avec une pension revalorisée de 2,2%).
Réforme « à minima », car celle-ci ne remet pas à plat les véritables inégalités des régimes « dits spéciaux », tout en soupoudrant le texte de contre-mesures pour protéger les plus modestes. On est également très loin de la retraite à point autrefois imaginée.
Faut-il en garder « sous la pédale » pour la prochaine confrontation ?
C’est vrai que le moment est mal choisi. Une période de début d’inflation , la sortie d’une crise de la Covid, qui a sensiblement modifié la perception du travail sur site, et des syndicats qui rêvent de contestation pour tenter de reprendre un leadership, mis à mal ces dernières années, constituent un environnement redoutable.
Aveuglement !
Cette réforme est rejetée par une grande majorité de Français. La nature de la contestation, activée par les syndicats et les opposants politiques démontrent l’irresponsabilité des dirigeants contestataires et l’immaturité de la population.
A croire que les Français n’ont pas conscience des changements majeurs qui se jouent actuellement. Comment ne perçoivent-ils pas l’existence d’une guerre mondiale naissante entre un bloc d’idéologie anti libérale qui progresse et un occident démocratique en perdition.
Sont-ils si peu attachés à leur liberté pour démontrer, par leur attitude, l’impossibilité de faire vivre une démocratie dans le calme et le sérieux. Par l’agressivité de leur contestation théâtrale et le rejet d’un débat simplement technique, ils encouragent les pays non alignés à rejoindre le « club des dictatures » qui apparaissent tellement plus facile à administrer.
Ils passent, aux yeux du monde, pour des enfants trop gâtés, qui cassent le jouet trouvé sous le sapin, au prétexte qu’il n’est pas parfait. Ils préparent ainsi le terrain des nombreux candidats démagogues qui, rapidement au pouvoir, convertiront leurs privilèges actuels en punition de demain.
Il ne s’agira plus alors, de discuter des conditions d’amélioration de leur confort, par une contestation démesurée, puisque la simple prise de parole sera suspectée de trahison.
Leur petit caprice inconscient d’aujourd’hui sera, pour longtemps, transformé en enfer.
La raison !
Ne faudrait-il pas aborder cet ennuyeux sujet à long terme et de manière plus décisive.
« Si tu veux que quelqu’un sorte son manteau, ne lui arrache pas, fait en sorte qu’il ait trop chaud. »
La solution se trouve peut-être dans ce sage dicton, car la réforme, non pas des retraites, mais du travail, répondrait de manière définitive à la contrainte de conflits permanents et douloureux.
Alors que pour certains pays, en particulier chez les protestants ou les asiatiques, la nécessité du travail est acceptée sans rechigner, les pays occidentaux catholiques considèrent le travail comme une souffrance qu’il faut fuir au plus tôt. Il est souvent vécu comme une aliénation.
Ne faudrait-il pas, dès lors, modifier ce ressenti de telle manière que chacun trouve, sinon du plaisir, au moins une satisfaction suffisante à travailler. Ainsi, la retraite ne serait plus la panacée et l’on pourrait alors y réfléchir avec raison, sans passion.
Pourquoi la France ne pourrait-elle pas changer ce paradigme en tentant de se rapprocher de certains aspects du « modèle Suédois », par exemple, qui a fait ses preuves dans l’efficacité pragmatique.
En Suède, sans SMIC et sans Code du Travail, les accords collectifs se négocient, sans que le gouvernement n’intervienne, mais patronat et syndicats savent jusqu’où ne pas aller trop loin dans leurs exigences, pour rester compétitifs tout en assurant un certain niveau de vie.
Certes, la France n’est pas la Suède, mais :
« L’homme qui ne tente rien ne se trompe qu’une fois »
Il nous faudrait tout d’abord étymologiquement bannir le mot « travail », tellement celui-ci est maintenant chargé d’une connotation négative et le remplacer par exemple par « vie en activité ».
Conduire, à moyen et long terme, une politique générale qui permettrait de revaloriser la vie active de la plupart des salariés, passe certes par une communication adaptée, mais aussi et surtout par des mesures capables de modifier notre perception.
Certes, c’est un pari difficile, mais l’enjeu est majeur. Un ressenti plutôt positif de son activité professionnelle n’a pas pour seul avantage de résoudre le conflit permanent des régimes de retraites. Non seulement, il améliore sensiblement la productivité, mais il constitue un sentiment de bonheur tellement important dans notre vie quotidienne citoyenne où le temps travaillé représente souvent une part importante de nos occupations.
Observez d’ailleurs comme certaines catégories d’actifs sont relativement épargnées de cette négativité du travail. Les artistes, nombre d’indépendants, beaucoup de dirigeants, qui pourtant, n’ont pas tous une situation matérielle confortable, seraient heureux de rester en activité le plus longtemps possible.
En travaillant souvent à leur rythme, en bonne connaissance de leurs objectifs, non sans contraintes pour autant, mais avec un sentiment de reconnaissance de leur fonction, ils supportent aisément l’effort à fournir, qui les valorise.
Pour guérir la « pathologie du travail », il faut tout d’abord déterminer les effets et les causes de la maladie.
Pour ce qui est des causes pratiques nous pouvons retenir la pénibilité, l’ingratitude des tâches, l’amputation excessive du temps libre, l’absence du confort environnant, les contraintes de déplacements pour se rendre sur le lieu du travail et l’inconfort horaire.
Pour les causes intellectuelles, nous retiendrons le ressenti du manque d’intérêt, l’inacceptation de la subordination, l’absence de cohésion, le sentiment d’inégalité, l’absence de considération et de reconnaissance, la pression du rendement, le marqueur de classe sociale, l’absence de position décisionnaire et le manque de visibilité.
Toutes ces causes ont un point commun. Elles contribuent à la défection actuelle pour l’intérêt du travail et réduisent la force économique qui en découle. Elles rendent très difficile le plein emploi et la mise en œuvre d’une main d’œuvre efficace et adaptée. La manne résultant de la production s’étiole et la redistribution, notamment sociale, n’est plus performante. Elles créent des conflits permanents.
Le fait de redonner au travail ses « lettres de noblesse » est donc une mission primordiale pour servir le bien commun.
Il faut avoir conscience de l’ampleur et de la difficulté d’une telle mission tellement notre approche du « travail » est polluée par une vision plus politique, que philosophique. Il faut dire que la plupart des acteurs, dans ce domaine, ont tout mis en œuvre pour servir leurs propres intérêts, plutôt que la recherche du bien commun. Nous avons transformé le travail, de fierté d’autrefois, en souffrance d’aujourd’hui.
Les gouvernants qui ne cherchent à résoudre que la seule équation économique et qui légifèrent en ce sens, les organisations représentatives du monde du travail, qui valorisent leur fonds de commerce en manipulant le seul outil de la contestation, quitte à usurper leur pouvoir que le pouvoir du vote ne leur donne pas.
Les Français, eux-mêmes, qui par goût révolutionnaire, préfèrent vaincre que convaincre, sans comprendre qu’un convaincu est vaincu alors qu’un vaincu n’est pas nécessairement convaincu.
Il en découle que La France est le seul pays qui soit capable de supporter qu’une minorité de privilégiés du secteur public bloque la possibilité institutionnelle de circuler librement, au détriment d’une majorité du secteur privé, qui pense la réforme en cours juste, équitable et nécessaire.
Ainsi, ce ne sont pas les plus mal servis qui réclament des avantages mais ceux qui ont le plus grand pouvoir de nuisance, et qui les obtiennent, car, comme ils tiennent le marteau à la main, ils ont tendance à considérer tout problème comme un clou. Chaque avancée est une fabrique de nouvelles inégalités.
Cela fait penser au singe, qui tape dans les barreaux, pour sortir de sa cage alors que les clefs sont sur la table, mais ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas que les choses sont difficiles.
Osons donc ce changement de paradigme.
Les mesures pratiques à mettre en œuvre ont pour but d’améliorer l’acceptation positive du travail.
Elles ont donc pour objectif final une évolution des salariés vers une perception plus acceptable de ce que représente aujourd’hui cette contrainte.
Les moyens !
Premier levier d’action : les Syndicats des salariés
Pour ce faire, il convient d’agir sur les principaux partenaires qui influencent cette perception, afin qu’ils soient des vecteurs du changement.
Bien que le taux d’adhésion aux syndicats professionnels soit particulièrement faible en France, ces derniers représentent certainement le premier levier d’influence.
Taux de syndicalisation et montant des cotisations | ||
Pays | Taux de syndicalisation | montant des cotisations |
Allemagne | 29% | 1.300 M€ |
Belgique | 65% | 400 M€ |
France | 8% | 190 M€ |
Grande-Bretagne | 29% | 1.000 M€ |
Italie | 50% | 1.100 M€ |
Suède | 83% | 900 M€ |
En effet, ce faible taux de représentativité n’ampute pas la faculté des syndicats à mobiliser les travailleurs.
Par contre, le mode de financement des syndicats reste un sujet opaque, régulièrement remis en question mais, à ce jour, non clairement tranché.
Contrairement aux pays de l’Europe du Nord, les principales ressources de financement des syndicats français ne proviennent pas des cotisations de leurs adhérents, mais de subventions pécuniaires, ou sous formes d’avantages, des Entreprises, de l’Etat et des Collectivités. Cotisations reçues et part dans leur budget total : CGT 75 M€ 34 % – FO 35 M€ 57 % – CFDT 69M€ 50 % – CFTC 12 M€ 20 % – CGC N.D 40 % |
(*a) Ce tableau ne représente que la part des cotisations par rapport au budget financier des syndicats.
Il ne tient pas compte des avantages, tels que mises à disposition de personnels, prêt de locaux…. fournis par les Entreprises. Concrètement les cotisations ne couvrent que 20 à 30 % des dépenses effectives.
Il est pour le moins curieux de constater que ceux qui financent, à savoir les entreprises pour l’essentiel, constituent la cible des actions syndicales, alors que ceux qui profitent des actions, ne cotisent pas, par manque de confiance envers ceux qui prétendent agir pour leur compte !
Dans ces conditions rocambolesques, il est donc normal que les responsables syndicaux se préoccupent, si peu, du bénéfice réel des actions entreprises au profit des salariés et se concentrent sur leur force de nuisance, à l’encontre de ceux qui les financent, de manière à pérenniser leurs ressources, par la pression.
Ce mode de financement par les entreprises et non par les cotisations est pervers.
Imaginez votre boucher (Entreprises) qui vous offrirait votre steak (Travail) au seul plaisir que vous en contestiez la qualité, encouragé pour cela, par le livreur (Syndicats), que vous n’avez cependant pas choisi, mais que vous écoutez aveuglement !
Il convient d’attacher une importance particulière au financement des syndicats par leurs seules ressources propres, en particulier leurs cotisations. Ainsi, les syndicats seront vraiment au service de leurs membres et l’argent des contribuables ne servira plus à financer des intérêts particuliers, comme c’est le cas actuellement. Les syndiqués, qui paient pour être représentés, seront alors plus exigeants sur la qualité et les résultats obtenus.
Les libéraux insistent également sur l’importance de la fin du monopole de représentation syndicale, réforme timidement entamée par le gouvernement de François Fillon.
Enfin, il faut que les syndicats soient eux aussi tenus de publier leurs comptes, et que la situation actuelle, qui favorise les détournements et la corruption, soit remplacée par davantage de transparence
Il faut passer de l’idéologie du combat à la recherche pragmatique du compromis par la raison, car lorsqu’un peuple vit de passion, il doit supporter que son talent soit exploité par ceux qui vivent de raison, en se contentant d’être admiré pour son génie et déchu de ses profits.
Le système actuel est désuet, il ne fonctionne pas.
C’est pour cela que La France vient de gagner trois titres de champion au Livre Guinness des records : le nombre de jour de grèves, la plus forte dépense publique et la consommation d’antidépresseurs.
Deuxième levier d’action : les organisations patronales
Les organisations patronales les plus connues en France et celles qui interviennent le plus dans le débat public sont le MEDEF (Mouvement des entreprises de France), la CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises), l’UPA (Union professionnelle artisanale), l’UNAPL (Union nationale des professions libérales).
Bien que leur mode de financement soit plus clair et plus logique, la volonté du compromis équilibré et accepté comme juste, n’est pas toujours au rendez-vous, et la recherche du bien commun ne semble pas être le premier critère retenu.
En France, en cas de tension, si l’on discute longtemps pour se mettre d’accord sur la forme de la table des négociations, chacun y arrive avec son siège de la contestation. L’invective devient alors le mode de communication usuel, et le conflit apparait comme la seule sortie possible.
Les composantes qui définissent l’emploi ont largement évolué ces dernières années et le salaire, autrefois seul critère d’attraction, n’est aujourd’hui qu’une des composantes de la fonction.
On l’observe à travers les annonces de recrutement qui exposent d’autres considérations pour déterminer la valeur de tel ou tel emploi. Il conviendrait d’harmoniser les offres d’emplois par une fiche descriptive comparable qui permettrait également de labelliser les entreprises en fonction de la qualité de leurs offres. Ce livret serait également l’occasion d’informer sur l’intérêt, la valeur et le sens de la fonction proposée.
Cet outil « de classement » encouragerait les entreprises à soigner leur attractivité générale et permettrait, dans le cadre de négociations, d’apprécier la vraie mesure de la qualité de l’entreprise concernée.
(Salaires annuel avantages compris, Congés, RTT, Télétravail, organisation hiérarchique, Assistance, CE…)
A l’instar de la gastronomie où le bon classement d’un restaurant, à travers un guide réputé, vous convainc de payer le prix élevé d’un bon repas.
Troisième levier d’action : l’éducation et l’information
Il est un domaine où le peu de temps passé à apprendre ou à chercher à comprendre est inversement proportionnel au temps que l’on y consacrera à gérer des problèmes tout au long de sa vie courante.
Ainsi, la place prise dans notre quotidien, par les questions économiques et financières n’est pas convenablement documentée, à hauteur de l’investissement exigé.
Notre enseignement scolaire laisse une part incongrue à l’apprentissage des mécanismes économiques et financiers.
Notre éducation parentale se targue souvent de ne pas parler d’argent, avec sa progéniture, comme s’il était inconvenant de s’intéresser à ces choses matérielles, quitte à y perdre, par la suite, un temps considérable par méconnaissance du sujet.
C’est ainsi, que pour ce qui nous occupe ici, nous croyons souvent ce que nous voulons croire et non pas ce que l’évidence nous conduirait à croire.
Demandez aux quelques millions de manifestants, combien d’entre eux ont pris le soin de se documenter sérieusement sur la réalité de la réforme proposée et d’étudier quelque peu les effets concrets qui en découleraient.
La plupart se sont certainement contenter de croire sur parole le raccourci, par nature même subjectif, des quelques interlocuteurs dont l’objectif primordial et de vous vendre leur vision pour servir leur intérêt.
Ils ont surtout compris qu’ils allaient travailler deux ans de plus ! Et qui d’entre nous, serait heureux de cette contrainte, sans y mettre en balance les avantages qu’elle procure ?
Mais quels parents seraient satisfait de rajouter au fardeau de la dette laissée à ses enfants, la misère d’une retraite qui ne serait pas financée ?
C’est vrai que d’aller au-delà des apparences nécessite plus d’efforts et plus de détermination dans la quête de la compréhension. Ainsi, si l’ignorance fait notre tranquillité, le mensonge fait notre félicité.
Non seulement la connaissance ou l’information passe par l’effort, mais de plus elle nous prive de quelques simplismes, en navigant dans les extrêmes, faciles et confortables. Tant pis pour la vérité, on aura toujours l’occasion de s’en apercevoir plus tard !… trop tard.
De plus, les réseaux sociaux nous formatent en détracteurs pulsionnels plutôt qu’en esprits rationnels, en polarisant les opinions, par un flot décérébrant. Les réseaux ont remplacé la raison.
Toutes ces conditions ne sont pas de nature à performer nos choix, d’où la place qu’il convient de réserver dans l’éducation scolaire à une meilleure connaissance des mécanismes et l’intérêt d’insérer ces notions dans notre éducation parentale.
L’essentiel !
A ne pas comprendre qu’une démocratie imparfaite est tellement plus douce à vivre qu’une dictature parfaite, notre attitude violente et dogmatique nous impose un risque considérable.
Si l’essentiel de notre énergie se disperse à combattre des moulins à vent, plutôt qu’à préserver le trésor de liberté et de fraternité que notre passé a conquis, nous paierons cette inconscience au prix fort.
Nos enfants, à qui nous léguons déjà un passif financier conséquent, méritent-ils d’être, à ce point, punis de notre inconséquence ?