Du manège enchanté de nos élites

Par Alain

Je ne sais pas vous, mais moi j’ai vraiment le sentiment de vivre une époque formidable, dans un pays formidable, entouré de contemporains… formidables. Chaque fournée d’informations nous déverse son lot d’apocalypses, photographies d’un monde à feu et à sang, dans lequel notre pays apparaît comme un îlot de bonheur surnageant sur cet océan de misère. Cependant, une question me taraude : d’où nous vient cette faculté d’ignorer superbement la réalité qui nous entoure et de continuer à danser sur un volcan en nous regardant le nombril ?

On m’assène par exemple à longueur d’antenne qu’une écrasante majorité refuse cette fameuse réforme des retraites. Pourtant, si les mathématiques ont encore un sens, un simple problème de classe de CM1, posant le calcul entre l’effondrement du nombre de cotisants et l’allongement de la durée de vie des retraités, démontre l’urgence de réformer un système bientôt à bout de souffle. Par contre, un silence assourdissant s’abat sur le déficit abyssal de nos échanges commerciaux, sur la dette qui prend des proportions alarmantes, ou sur l’absence de réforme de notre administration. Ces petits désagréments semblent ne poser de problème à personne…

En réalité, et afin de nous protéger, nos gouvernants prennent soin de nous épargner ces tracas de seconde zone, préférant nous donner en pâture des sujets plus légers. Notre cher président montre d’ailleurs l’exemple en distillant ses pensées dans la revue « Pif », heureuse initiative que n’avait malheureusement pas eu de Gaulle lors du référendum perdu en 1969. Si ce dernier s’était un peu plus investi dans des magazines tels que « les Pieds nickelés » ou « Picsou », la France, et par là-même le monde bien sûr, aurait été transfiguré.

Ainsi, l’ensemble du gouvernement reste mobilisé. Notre Marlène, Secrétaire d’état, se répand elle dans « Playboy », brillant précis de littérature, mâtiné de jeunes gazelles ingénues, étourdies, oubliant de se vêtir dès potron-minet. J’attends avec impatience l’intervention de notre Première ministre, qui devrait animer une grande émission culturelle sur le thème « Du sourire de l’antiquité à nos jours » sur les ondes de « Rires et chansons » ; elle devrait faire un carton !

C’est même toute la classe politique qui s’affiche sur le pont afin d’être au plus près du peuple – qui lui se désespère à fond de cale –, ainsi, connaissez-vous la ville d’Arès ? Cette charmante bourgade nichée au bord du Bassin d’Arcachon se targue d’être en mesure d’accueillir dignement des visiteurs venus des lointaines galaxies, et ce sans discrimination, qu’ils soient Martiens ou Jupitériens, ceux-ci sont les bienvenus grâce à l’espace « Ovniport » aménagé le long de la plage. Bon, à ce jour nous ne constatons pas beaucoup de bousculade… ce qui ne sera pas le cas ce week-end au centre commercial du citoyen Leclerc qui aura le privilège d’accueillir l’ovni de la politique, le célèbre motocycliste de l’Elysées, en retraite désormais, qui va dédicacer son dernier livre entre deux barils de lessive et une palette de couches bébé. Ce qui fait dire à ma tante Apolline « Tu vois mon petit, l’Elysées mène à tout à condition d’en sortir. Cela dit s’il vient en train, doué comme il est, tu vas voir que ce zozo est capable de renouveler l’exploit du père Deschanel !* ».

Cette succession d’interventions ô combien opportunes, démontre, s’il en était besoin, l’empathie de nos élites pour leurs chers électeurs. Pourtant, j’ai comme un doute sur l’état d’esprit de notre champion qui, face à la dégradation de la situation intérieure, opère une retraite stratégique hors de nos frontières, pensant semer la bonne parole de la France. Seulement voilà, il se trompe d’époque, et n’est pas de Gaulle qui veut ; à vouloir endosser un costume trop grand, le risque est de malencontreusement y flotter.

Non content de s’être fait rouler dans la farine par le satrape du Kremlin, il renouvelle l’opération avec le despote de Pékin qui, lui, l’a entortillé dans un nem. Pendant que la « Voix de la France » déroulait ses demandes de propositions de paix en Ukraine, le camarade Xi, à l’écoute et tout sourire, ordonnait l’encerclement de Taïwan tout en songeant à accélérer le génocide des Ouïghours. Dans l’avion de retour, fier de cette démarche, notre patron en a rajouté une couche en se désolidarisant de nos amis américains… Pékin a applaudi… et nos amis en sont restés perplexes !

« En politique, ce qui est cru devient plus important que ce qui est vrai. »**

*Pour les nuls en histoire : Paul Deschanel, bref Président de la République en 1920, est tombé du train présidentiel de nuit. Il se rendait à Montbrison inaugurer un monument aux morts. On l’a retrouvé errant en pyjama le long de la voie.

**Talleyrand.

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