
Par Alain.
Je ne sais pas vous, mais moi je tiens en haute estime les prévisionnistes de Météo France. Partant du principe que le meilleur moyen de lire l’avenir est de l’inventer, leurs ancêtres, haruspices ou autres pythies, tripatouillaient avec entrain dans les entrailles de malheureux gallinacés à la recherche d’indices probants, permettant de prédire ainsi un futur incertain. Faire parler les augures afin de donner le feu vert à l’armée pressée d’en découdre avec son nouvel ennemi, ou s’assurer d’une pluie bienfaisante pour les récoltes à venir, leur garantissaient une vie peinarde.
Désormais, ce futur est pris en main par des satellites géostationnaires, de puissants ordinateurs, merveilles de technologie au service d’une armée d’ingénieurs bardés de diplômes, chargés en dernier lieu d’analyser avec compétence et précision les données recueillies à grands frais. Le résultat est là : c’est bigrement fiable !
J’en veux pour preuve les prévisions pluviales pour ce prochain été qui ne laissent que 1% d’incertitude. C’est très fort ! Après avoir trituré et compilé des millions d’informations, nos spécialistes ont ainsi élaboré trois scénarios pour ces prochains mois :
- 33 % de chances de se produire pour celui « plus sec que les normales de saison ».
- 33 % de chances pour le scénario « conforme aux normales de saisons ».
- 33 % pour le « plus humide que les normales de saison ».
La réaction – fleurie – de ma chère tante Apolline ne s’est pas fait attendre : « En résumé mon petit, il va pleuvoir… ou pas ! Ton étude a été concoctée par des ramoneurs de chasse d’eau ! Et puisque tu aimes les statistiques, je puis t’affirmer que 100% des divorcés étaient des couples mariés ! ».
Certes, rien n’est aussi précieux que le bon sens, cependant, prévoir le temps reste un des rouages essentiels à l’organisation de notre vie, et notamment de manifestations dont la réussite dépend souvent de la capricieuse météo. Nos spécialistes en prévisions s’attellent déjà à imaginer la couleur du temps lors des futurs jeux olympiques de Paris. Rude tâche qui va mobiliser toutes les énergies disponibles.
Cela dit pas d’inquiétude, en cas de frimas surprise ou de crachin vicieux les amateurs pourront toujours se prémunir le haut du crâne grâce à la merveilleuse mascotte imaginée par l’équipe des Jeux : la « Phryge ». Cette gueille* inspirée du bonnet phrygien porté par Marianne – couvre-chef également coiffé par les esclaves affranchis de la Rome antique – est censée représenter le symbole révolutionnaire de la République et de la liberté. D’autres, esprits tordus et malveillants, y voient un des attributs essentiels de la gente féminine. Leur mission ? « Faire bouger la France » ! Au vu des dernières manifestations je n’ai pourtant pas le sentiment que notre pays s’assoupit…
Comme de bien entendu, dans le cadre de la ré-industrialisation de notre nation, ces mascottes bénéficieront de la technicité de l’Empire du Milieu. Des milliers de petites mains chinoises façonneront avec amour cet emblème de la liberté, heureux de participer, grâce à leur salaire de misère, à cette grande fête du sport. Ils pourront d’ailleurs – s’ils en ont le temps – méditer et se réjouir de leur condition de travail bien loin des affres esclavagistes de la Rome antique.
*Pour les nuls en parler bordelais : la « gueille » est un vêtement en lambeaux, un chiffon ou une serpillière attachée à la « souillarde » (arrière-cuisine).