
« Nous ne parlons jamais d’argent avec nos enfants ».
Voilà dont se targuent nombre de parents.
En négligeant cet aspect de l’éducation, sous l’égide d’une fausse pensée dogmatique, qui laisserait croire que la préparation de leurs progénitures à la gestion de l’économie familiale, se ferait au détriment des principales valeurs morales, ils privent leurs enfants de la faculté d’améliorer la qualité de leur future vie quotidienne.
En excluant ce pan de l’éducation, ils induisent l’idée que les aspects financiers de la vie seraient négligeables et qu’il serait malsain d’en connaitre les rouages.
Par ce silence, ils confèrent, à l’opposé de leurs intentions, une valeur particulière aux notions financières, alors qu’il conviendrait d’en comprendre le mécanisme, justement pour ne laisser à ces notions que la place qu’elles méritent.
Pour les enfants, le seul modèle retenu alors, se base donc sur l’observation de l’attitude des parents qui trop souvent démontrent , au contraire, une frénésie de consommation et l’obsession du manque de moyens.
Cette « omerta éducative » est lourde de conséquence.
Elle prive les futurs adultes de la compréhension et de la maîtrise du raisonnement qui leur permettraient les meilleurs choix de gestion, leur garantissant l’équilibre et la sérénité dans ce domaine. Croyant ainsi les préserver, elle les expose au contraire aux difficultés quotidiennes.
De même que l’abandon, par l’éducation nationale de l’instruction civique, fabrique des générations qui méconnaissent le fonctionnement de nos institutions, l’absence de formation de base à l’économie familiale engendre un désordre, qui interdit d’optimiser le rendement des ressources des ménages.
C’est donc bien aux parents qu’il appartient d’aider leurs enfants à comprendre les mécanismes de base, qui leur permettront de gérer globalement et non de subir quotidiennement, les difficultés liées au fonctionnement de leurs finances.
Prenant conscience de cette faiblesse éducative, beaucoup s’en dédouaneront, en estimant qu’ils ne sont pas concernés car la faiblesse de leurs revenus ne leur permet pas ce «luxe de raisonnement».
En s’enfermant dans ce classement idéologique, qui consiste à ne déterminer que deux catégories, les riches et les pauvres, ils renforcent dans l’esprit de leur progéniture un sentiment de jalousie et de frustration.
Dans la réalité, il ne s’agit en rien de richesse ou de pauvreté dont les limites sont d’ailleurs très relatives. Quel que soit sa situation financière et peut-être encore plus si elle est précaire, la fait de bien gérer ses finances permet d’améliorer sa vie quotidienne, par une meilleure utilisation des moyens dont on dispose.
En analysant concrètement la validité de nos dépenses, la qualité de nos revenus, en réalisant une projection critique de prévision budgétaire, on dirige certains choix plutôt que de les subir. Cette attitude permet d’améliorer sa situation et, souvent, d’éviter des incidents financiers lourds de conséquence. Si l’on n’y gagne pas toujours en richesse on est remboursé en matière de liberté.
Il est des périodes conjoncturelles où la compréhension de la situation rend particulièrement cruelle cette absence de considération et d’analyse.
C’est ainsi que ces 20 dernières années, particulièrement en France, l’observation du fait qu’il était beaucoup plus facile de thésauriser par la valorisation immobilière que par l’épargne du produit du travail, était une évidence.
Cette situation pouvait conduire à réévaluer sa politique d’investissement dans l’acquisition d’un bien immobilier quitte à sacrifier momentanément d’autres secteurs de consommation non vitaux.
L’ensemble des éléments, tels que la faiblesse des taux d’intérêt d’emprunt, la relative facilité d’obtention des prêts et la forte progression constante des valeurs immobilières sur le marché, étaient très incitatifs pour s’engager dans une opération d’achat d’un logement.
Ceux, qui conscient de cette situation particulière, pouvaient, en sacrifiant des dépenses non vitales, s’endetter un maximum pour acheter leur première habitation, aussi modeste soit-elle, s’immunisaient pour toujours, d’un loyer qui ne cesserait d’augmenter, par le fait de la sur- valorisation de l’immobilier.
Ne pas étudier sérieusement le fait de payer un crédit mensuel de 800 € pour financer un petit logement très imparfait, plutôt que de dépenser 600 € de loyer pour une habitation plus grande, vous aliénait pour longtemps dans la précarité.
Là encore, certains prétendront, que leurs revenus ou leur épargne, ne leur permettaient pas cet engagement financier. C’est souvent vrai, par le fait qu’ils n’imaginaient pas de faire le sacrifice d’autres consommations (véhicule, communication, abonnements de loisirs…) considérées souvent à tort, comme indispensables.
Ils restaient alors dans la spirale de l’appauvrissement à long terme en classant dans la catégorie des « riches » ceux qui avaient fait ce sacrifice ponctuel pour protéger leur avenir.
Les parents qui, souvent, pouvaient faciliter un accès au prêt de leur progéniture, ne serait-ce qu’en apportant une garantie nécessaire à l’obtention d’un prêt pour acquisition, portaient alors une responsabilité de non-incitation à la bonne gestion qui rendrait la vie bien plus facile, à leurs enfants, pour les années à venir.
En observant, avec fierté, la « belle vie » de leurs enfants roulant en Clio en LOA, communiquant avec leur IPhone dernier cri sous abonnement internet, et profitant de l’abondante offre de Netflix ou autres, les parents participent inconsciemment à cette défaillance, en validant, comme normale cette spirale de consommation encouragée par l’environnement commerçant et médiatique.
Pourtant, ces mêmes parents, souvent retraités aujourd’hui, étaient aisés grâce aux circonstances qui les avaient conduit à bénéficier d’une valorisation immobilière exponentielle. Ils sont par ailleurs, pour la plupart, soucieux de laisser un héritage dont bénéficieront leurs enfants… pour les 15 dernières années de leur vie ! Un peu tard, peut-être ?