La malencontreuse fourmilière.

Si je n’avais pas trébuché sur cette fourmilière au fond de mon jardin pour me retrouver à genoux à m’obséder à compter les fourmis, je ne me serais pas trouvé aujourd’hui dans cette situation inconfortable.

Depuis, j’ai compris qu’il me serait tout aussi impossible de comprendre le monde qui m’entourait tant les principaux acteurs gesticulent nerveusement, comme les fourmis en panique, dans tous les sens.

Je croyais naïvement qu’en développant le goût exacerbé de ma fonction logique et en organisant mon raisonnement sous la contrainte du factuel, je pourrais faire le tri entre l’aléa et le probable.
C’était sans compter avec mon incapacité à définir un factuel en mouvement permanent et à déterminer les véritables intentions des principaux acteurs à travers leurs annonces aussi contradictoires que variables.
Il m’apparait aujourd’hui tout aussi impossible d’imaginer un avenir que de compter les fourmis en mouvement.

L’arrivée en première ligne du gourou américain m’a simplement permis de comprendre qu’en définitive la politique de Poutine semblait par comparaison, sinon plus raisonnable, au moins plus stable.

Mais, alors, que penser de ces quelques 77 millions d’électeurs qui ont librement choisi de confier leur sort et celui du monde libre à un bouffon organisateur d’un chaos mondial dont ils sont les premières victimes ?

Trump jubile. Il se retrouve dans le plus grand magasin du monde où, dans son enfance, il se roulait devant la caisse, en exigeant de ses parents de payer tous les jouets choisis par ces caprices, qu’il détruirait même avant de les avoir déballés. 
Au rayon « pays à reconstruire », il a remarqué une bande de terre qui a tous les atouts d’une grande station balnéaire à construire, à la condition subsidiaire d’y déloger quelques millions de cafards qui ont le culot incroyable de l’occuper depuis des siècles. On peut donc, grâce aux bulldozers, les pousser avec les gravats vers leurs voisins, pour dégager cette zone merveilleuse fleurie de cinq étoiles et de quelques golfs internationaux, futurs terrains de jeu de la jet set internationale. 
Le foncier est gratuit, mais faut-il encore financer l’immobilier. Pour ce faire, rien de moins logique que d’exiger le remboursement du saltimbanque Zelinsky de l’emprunt qu’il a fait pour financer sa guerre d’agression envers la Russie. Pour y suffire, il convient de rajouter quelques 300 milliards d’intérêts imaginaires au capital des 200 investis par son stupide prédécesseur. C’est d’autant plus rentable et moral qu’une bonne partie de cet investissement se retrouve dans la poche de l’économie américaine grâce au rendement de sa production d’armes, financée sans douleur par l’endettement américain possible grâce à la suprématie du dollar qui n’exige pour être remboursé que de faire tourner la planche à billets.
Le plan serait parfait sans l’entêtement de son ancien ennemi, souple comme un verre de lampe qui le détermine à refuser une paix qui le conduirait à sa déchéance. Comme un bon deal n’existe que par la solution des problèmes qui y font obstacle, il suffit donc de transformer le dictateur sanguinaire slave en bienfaiteur de l’humanité : offrons-lui l’Europe dont il rêve pour le convaincre d’en partager les bénéfices, sans avoir à utiliser l’arme du kompromat contre Donald qui, à l’époque, pouvait tripatouiller dans les plus belles chattes des danseuses du Bolchoï.
Reste l’autre avec ses 1,5 milliard de Chinois qui pourrait jouer les trouble-fête si nous ne détenions pas l’arme secrète, connue cependant de tous. Il nous suffira de convaincre le monde que le bonheur de l’humanité doit consentir à libérer Taïwan de la dictature de sa démocratie. Cela devrait le faire, quitte à y rajouter la Corée du Sud, que l’on pourrait utiliser comme le joker au service de son nain de jardin du Nord qui fustige, impatient à pourrir la région pour être enfin pris au sérieux.
Grosso modo, ça tient la route et de toute façon, ce bien joli programme permet de profiter dans l’immédiat d’une aura médiatique hors norme validée par les 77 millions de groupies qui ont offert cette jubilation à leur gourou.

Reste Dieu dans tout ça ! Que peut-il en penser ? Risquerait-il de dénigrer ce plan au risque de mettre en évidence ses propres carences à prétendre avoir fait les hommes à son image ?
Ou bien l’approuve-t-il, dépité depuis l’éternité par les frasques de sa progéniture. On ne peut pas compter sur sa loyauté, mais certainement sur celle de l’Église qui a bien compris, par l’effet d’une balle sur l’oreille droite, que ce hasard ne pouvait en vérité n’être que le fruit de la divine intervention du Seigneur pour désigner son successeur. Comme d’habitude, les grands prêtres orthodoxes et les nobles évangélistes de tout poil passeront en perte et profits toutes leurs valeurs morales ancestrales pour faire place à la sainte joie de croire sans conditions.

Ne pouvant me résoudre à m’abandonner dans un tel pessimisme, je trace enfin un autre scénario, toujours de science-fiction, en mode série B.

Un premier évènement venait d’un excès : Musk, accro à la kétamine, un barbiturique qu’il prenait souvent pour dompter ses bouffées dépressives, apprit par une belle journée d’été que son foie était abîmé et que Tesla s’effondrait en bourse.
Le deuxième événement venait au contraire d’un manque. Tesla ne vendait plus de voiture, car Trump avait banni la voiture électrique, peu après la paille en carton. L’Europe n’en achetait plus à cause des gasconnades de Musk qui faisaient honte aux acheteurs, pas plus que la Chine par mesure de rétorsion aux tarifs douaniers américains.
Abattu, Musk quitta son haut-commissariat et son empire économique s’effilocha en quinze jours. Le magnat passa la dernière décennie de sa vie, comme Howard Hughes, allongé sur son lit, assommé de drogues et de télé, sans jamais se couper les ongles et les cheveux.
Il se tourmentait cependant d’avoir prêté la tronçonneuse, que lui avait offerte son ami Milei, à Vance qui, au prétexte de couper son bois pour l’hiver, avait tronçonné Trump en offrant la tête aux évangélistes qui pouvaient ainsi compenser leur frustration par l’adoration du trophée.
R. F. Kennedy avait consenti au vaccin anti-covid injecté par son ami Bannon, il pourrissait doucement sous les souffrances d’un covid très, très long.
Tout était à refaire, mais cette fois, la nouvelle mouture ne serait pas encombrée des règles et des contraintes d’une administration devenue famélique. Le terrain était libre, mais le temps était compté, car la terre brûlait. Les évangélistes étaient tous devenus complotistes en affirmant que des forces occultes dirigeaient Bennus, l’astéroïde de 74 millions de tonnes sur notre planète. Quel dommage que le dernier lanceur de Space X n’ait jamais pu atteindre Mars, la faute à Dieu qui avait dévié sa trajectoire pour le faire entrer directement dans les portes de l’enfer.

Un avis sur « La malencontreuse fourmilière. »

  1. Bravo Jean Paul, Très belle analyse pleine de réalisme dans ce dernier texte ! Tu vois, hélas, mon histoire de différence entre le juif optimiste et le juif pessimiste n’ a plus lieu d’être….Même si l’un des deux fuit  aux USA pour éviter le pire en Europe, cela ne changera rien à l’affaire; là bas aussi ils lèvent le bras !!!! Nous venons d’atteindre le sommet de l’horreur avec Bannon et Musk bras tendus lors des tous derniers meetings… Pour rebondir sur tes propos, non, effectivement, je pense que Dieu ne reviendra pas. (si tant est qu’il soit venu un jour?)…  Ce qui nous attend, je crains que cela ne soit assez clair désormais. Trump et les autres dictateurs ( ou néo dictateurs) formant les plus puissants pays de la planète vont se répartir le reste du monde libre et des marchés.  Poutine va se reconstituer sa puissance militaire avec l’Ukraine soumise, et ça, c’est le pire des scénarios envisagés !Pour le coup, Macron tente de resserrer les liens entre les pays européens qui comptent encore sur l’échiquier….Mais attendons les élections allemandes, pour savoir si l’ Europe peut encore peser dans tout cela…. Seul point intéressant, désormais, on ne pourra plus dire « qu’on ne savait pas !! » Bien à toi, amicalement Billy

    PS: je vais regarder la construction d’abri atomique en kit !….

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